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…de mon sac à dos: Maurice Chappaz

Le sac à dos appelle la randonnée en montagne. On peut aimer sauter d’une vallée à l’autre en compagnie de Chichkine, mais on peut aussi avoir un faible pour la balade calme, réflexive, méditative en moyenne montagne, là où la hauteur prise est suffisante pour maintenir une juste distance entre les choses de la vie et celles de l’esprit.

Dans ce cas, une possibilité est de se rendre dans la vallée de Bagnes en compagnie de son habitant le plus illustre, le poète Maurice Chappaz.

Après vous être procuré l’admirable «Maurice Chappaz» que Christophe Carraud vient de consacrer au vieux Bagnard et après l’avoir glissé dans votre sac malgré son poids (400 gr.) et son format (16,5 cm sur 19,5), vous partirez en direction du Grand-Saint-Bernard.

A Sembrancher, prenez sur la gauche en direction de Verbier et de la vallée de Bagnes. A l’entrée du Châble, vous franchissez le pont sur la Dranse et levez un œil sur la vieille bâtisse entourée d’arbres qui se trouve sur la droite. C’est l’ancienne résidence d’été de l’abbé de Saint-Maurice qui fut autrefois seigneur de la vallée. C’est aujourd’hui la demeure de Maurice Chappaz. Cette maison s’appelle l’Abbaye. Tradition et religion:

Portant le nom de saint Maurice, ayant passé de longues années au collège de Saint-Maurice, Chappaz est catholique, d’une foi solide et proclamée en près de septante ans d’écriture. Ce n’est pas à quelques mois de ses nonante ans qu’il va changer. Autant le savoir avant de marcher en sa compagnie. Moi qui ne le suis plus, cela ne me dérange pas. Au contraire: je trouve plutôt stimulants ces retours sur une culture un peu vieillotte qui s’accordait parfaitement à la défunte civilisation alpine mais qui nous laisse désarmés face à la mondialisation:

A deux cents mètres de chez Chappaz, un téléphérique vous hissera au milieu des alpages de La Chaux d’où part le sentier des Chamois qui, serpentant à une altitude d’environ 2500m (il vaut mieux ne pas avoir le vertige!) sur le flanc du Bec des Rosses vous conduira à la cabane de Louvie au-dessus de Fionnay.

La fatigue venant, vous pourrez, au col Termin (2648 m), face à un panorama somptueux et dominant, à pic, de quinze cents mètres le fond de la vallée, faire une halte et lire quelques pages (pp. 104 et suivantes) consacrées par Carraud à la littérature de montagne et singulièrement à deux œuvres de Chappaz, «Le Journal des 4000» et «La Haute Route». Comme il se doit, Carraud part de la célèbre lettre de Pétrarque connue sous le titre d’«Ascension du mont Ventoux » :

Sept siècles plus tard, Chappaz marche du même pas :

Louvie est l’endroit idéal pour faire étape. Chamois et marmottes surveillent de loin la terrasse de la cabane posée près du lac. A quelques dizaines de mètres, un promontoire vertigineux domine la vallée, offre le coucher de soleil inoubliable:

Le lendemain, si vous avez le pied ferme, vous suivrez l’itinéraire proposé par ce précieux site, mais à la fin de la journée, lorsque vous serez à l’écurie du Crêt récemment restaurée, vous poursuivrez votre chemin sur le sentier de gauche en direction de Mauvoisin.

La randonnée est plus pénible que celle de la veille, car il y a deux cols à franchir. Mais il vaut la peine de l’entreprendre parce que le chemin, quand il est tracé, traverse la région de Sévereu où, dans les années 1920, on réintroduisit le bouquetin. Et, surtout, parce que le col du Sarclau, à plus de 2600 m, est si étroit, si raide que vous y passez juste la tête, comme à travers une fenêtre, pour que votre regard plonge sur le hameau Bonatschiesse, en bas, au bord du torrent. Chappaz:

Vous n’aurez pas sur cette fenêtre la place suffisante pour poser votre sac. Mais quelques mètres plus bas, sur un replat, vous pourrez boire à votre gourde et, peut-être, céder à la mélancolie:

Autant la montée au col, à travers des éboulis, est âpre et sombre, autant la descente au milieu d’une herbe fleurie est riante. Mais c’est les genoux en compote que vous atteindrez l’hôtel de Mauvoisin où vous oublierez votre fatigue devant un verre de fendant de Fully élaboré par Marie-Thérèse Chappaz, nièce du poète.

Mais deux jours de randonnée ne suffiront peut-être pas à assouvir vos envies alpines et chappazienne. Dans ce cas, sans charge excessive dans votre sac, vous pouvez prolonger votre excursion de deux jours. De Mauvoisin (1840 m), par le col des Otanes (2840 m) vous pouvez rejoindre la cabane de Panossière afin de vous incliner devant la superbe pagode du Grand Combin.

Et le lendemain, après avoir traversé le glacier, vous franchirez le col des Avouillons (2647 m) pour gagner la cabane Brunet (2103 m)qui offre gîte et couvert.
Puis regagnant le fond de la vallée, vous chantonnerez avec le poète :

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«Maurice Chappaz», par Christophe Carraud, Seghers, Poète d’aujourd’hui, Paris 2005, 333 pages (C’est le dernier ouvrage consacré Chappaz. J’aurai pu vous proposer la même balade avec «A-Dieu-vat», un livre d’entretiens entre le poète et Jérôme Meizoz publié chez Monographic à Sierre en 2003.)