L’hebdomadaire a perdu 38 millions de FF en deux ans. Son propriétaire actuel, le groupe Lagardère, cherche à s’en débarrasser. La suppression du titre n’est pas exclue.
C’est l’histoire d’un magazine à l’agonie. Depuis le début de l’été, la rumeur d’un nouveau plan social circule au siège de L’Evénement. On parle d’une suppression pure et simple du titre. En janvier dernier, L’Evénement du Jeudi avait pourtant inauguré une nouvelle formule de la dernière chance. Il avait même changé de nom, devenant plus simplement L’Evénement. Ce relookage n’a pas suffit à le sortir des chiffres rouges. L’hebdomadaire a perdu 16% de ses lecteurs en deux ans, pour tomber à une diffusion de 150’000 exemplaires.
Le rédacteur en chef, Georges-Marc Benamou, cherche à donner un nouveau souffle à son journal, à trouver un créneau libre pour s’y engouffrer. Ainsi, il veut en faire une plate-forme de débats et d’échanges, anticonformiste et d’une ligne libérale-libertaire. Ligne que tout le monde à la rédaction n’apprécie pas. Pour l’instant, le groupe Lagardère, qui a racheté l’hebdomadaire en mai 1998, apporte au rédacteur en chef un soutien sans faille. Mais le magazine a perdu, selon le quotidien Libération, 16 millions de francs français (4 millions de francs suisses) en 97, puis 22 millions en 98.
Dans un communiqué daté du 8 août, Hachette Filipacchi Médias (HFM), filiale de Lagardère, a mis les choses à plat. L’Evénement se porte mieux que l’année dernière, dit le groupe, mais «différents chantiers ont été ouverts avant l’été, pouvant conduire à des évolutions de contenu et d’organisation». Le groupe Lagardère a bien reçu des propositions de renouvellement du titre et «a accepté d’en prendre connaissance», mais la priorité reste à Georges-Marc Benamou «s’il a une solution sérieuse à présenter».
Plusieurs offres sont parvenues à HFM pour transformer le titre. Jean-François Kahn, créateur de L’Evénement et actuel rédacteur en chef de Marianne, propose d’en faire un hebdomadaire culturel. Quant à Benamou, il cherche toujours à mettre en place son magazine de débats. A la recherche de partenaires financiers, il est entré en contact avec Pierre Bergé, patron du groupe Saint Laurent. Mais selon les syndicats, ni la solution de Benamou, ni celle de Kahn ne permettra d’éviter les licenciements. L’histoire de L’Evénement du Jeudi semble arriver à son terme.
Les Français, pourtant, adorent les news magazines. Les principaux, L’Express (d’une diffusion de 540’000 exemplaires), Le Nouvel Observateur (445’000), Le Point (390’000), auxquels on peut ajouter le tout jeune Marianne (300’000, soit le double du tirage actuel de L’Evénement), se vendent mieux au total que les quotidiens nationaux. La concurrence est sauvage, et nul n’a été épargné ces dernières années par la baisse des recettes publicitaires. Les magazines ont donc tenté de séduire toujours plus de lecteurs, de se remettre en question aussi, avec plus ou moins de succès.
Le Point a été le premier, en 1994, à proposer une nouvelle formule. Le Nouvel Obs a lancé un supplément télé qui lui a permis de fidéliser son lectorat. Les services commerciaux ont rivalisé d’imagination en proposant des tarifs d’abonnement attrayants accompagnés de cadeaux tels qu’un agenda électronique, une montre ou un téléphone portable.
Tous les grands news magazines français appartiennent à de puissants groupes financiers qui ont à la fois des activités de presse et d’industrie. C’est pour bousculer ce paysage que Jean-François Kahn avait tenté, à deux reprises, de lancer un hebdo vraiment indépendant. Le premier, L’Evénement, pourrait disparaître très bientôt. Le second, Marianne, a trouvé son lectorat mais peine encore à séduire les annonceurs.