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Les mille visages du Dr Polla

L’ancienne conseillère nationale genevoise Barbara Polla est une femme aux multiples connexions. Portrait à travers son réseau.

Un lieu d’échange. Voilà ce qui définit le réseau aux yeux de Barbara Polla, médecin, scientifique, politicienne, mère de famille, cheffe d’entreprise, écrivain et galeriste genevoise.

«Vous donnez au réseau et le réseau reçoit de vous. Parfois les gens pensent que c’est un espace où l’on prend seulement, mais l’on doit aussi donner. La réciprocité est essentielle dans les réseaux. C’est par elle seulement qu’on atteint l’efficacité.»

Les réseaux de Barbara Polla sont en constante évolution, selon ses activités et ses priorités du moment. «Je suis en mouvement, donc mes réseaux le sont aussi!» Et quand la page se tourne, elle ne regrette rien. Sauf peut-être en politique où, dit-elle, elle n’a fait qu’ouvrir une parenthèse…

Lorsqu’elle était Conseillère nationale, de 1999 à 2003, Barbara Polla se trouvait au centre d’un réseau très dense de sollicitations professionnelles et personnelles. «Le réseau était centré sur ma fonction plus que sur ma personne. Aujourd’hui, mes intérêts sont davantage liés au monde culturel et intellectuel, ce que reflètent mes réseaux actuels.»

Barbara Polla fait partie des réseaux femmes depuis 30 ans. «Je me suis intégrée dans des réseaux existants, et j’en ai initié moi-même. C’est important de créer ses propres réseaux femmes car ils n’existent pas historiquement, contrairement aux réseaux masculins. Et ils sont encore loin de l’efficacité qu’ils pourraient atteindre: ils sont encore souvent perçus comme des lieux d’échanges plus que d’efficacité. C’est une caractéristique générale des femmes, que de privilégier la qualité à l’efficacité.»

Connexions personnelles

Sa famille
Barbara Polla a quatre filles. «Chacune d’entre elles est une porte d’entrée vers un monde différent. J’adore travailler avec elles.» L’aînée, Ada, distribue aux Etats-Unis les produits cosmétiques créés par sa mère. «Elle est mon réseau américain, elle vit près de Washington et a fait ses études à Harvard et Georgetown.» La seconde, Cyrille, a dirigé jusqu’à récemment la galerie d’art de la famille Polla: Analix Forever. «Cyrille, c’est ma porte d’entrée vers le réseau artistique et le monde alternatif.» Rachel a 21 ans et fait ses études à l’IUHEI: «Elle me fait découvrir le monde des étudiants et des professeurs. Je l’accompagne même parfois en cours!» Enfin, la cadette, Roxane, 16 ans, est passionnée d’équitation: «C’est une cavalière émérite et compétitive, grâce à elle je découvre le monde du cheval.»

Son mari, le docteur Luigi Polla, incarne lui le réseau professionnel lié à Forever Laser Institut, créé par le couple et spécialisé en dermatologie anti-âge. Le frère de Barbara Polla, Rodolphe Imhoof, travaille dans le département de Micheline Calmy-Rey. «Il est responsable de l’Asie. Mon frère est un modèle d’éthique et de discrétion.»

Ses amis
Mais chez les Polla, la famille se conçoit au sens large. Il y a par exemple les deux Christophe. Christophe Berdat, jeune secrétaire général du Parti Libéral suisse qui a été l’assistant parlementaire de Barbara Polla. «C’est un ami: issu du réseau politique, il est entré dans mon réseau personnel.» Et Christophe Weber, fils de l’ancien recteur de l’Université de Genève, qui a aussi été l’assistant parlementaire de Barbara Polla et qui est maintenant au WEF. Ou encore Virginie Stettler, enseignante de latin et de français au cycle du Marais à Onex, Genève: «Ma presque fille. Je trouve en elle un soutien indéfectible et critique. C’est par elle que je suis entrée dans le réseau enseignement et dans le monde des ados en difficulté.»

Connexions politiques

Samuel Schmid
«C’est un homme exceptionnel qui ne le fait pas souvent savoir.» Anecdote qui a marqué Barbara Polla: quand Samuel Schmid était au Conseil des Etats et qu’il travaillait sur la nouvelle Constitution, il est venu s’entretenir avec Jeanne Hersch à Genève. «Elle n’était pas vraiment de droite, et il a eu l’intelligence de privilégier l’intérêt intellectuel et philosophique aux intérêts partisans. Pour moi, la politique doit être en relation intime avec la pensée intellectuelle et philosophique, avant de devenir très concrète sur le terrain.»

Micheline Spoerri
Barbara Polla considère la Conseillère d’Etat libérale comme «une copine». «Nous avons fait notre carrière politique ensemble et sommes en contact permanent.»

Xavier Comtesse
Le directeur romand du think tank Avenir Suisse est décrit comme «un personnage politique avec des idées. Même si ce n’est pas un élu, il joue un rôle essentiel dans le débat politique. C’est un des hommes les plus intéressants de Suisse romande.»

Les rivaux
Qui ne fait pas partie du large réseau de Barbara Polla? «Les dogmatiques, les défenseurs d’intérêts sectoriels.» Ou encore, plus surprenant pour cette militante libérale, les représentants de la grande économie et de la finance. «Ivan Pictet ne fait pas partie de mes réseaux, les représentants des PME oui.»

Barbara Polla peut parfois agacer. «Je suis certainement une épine pour tous les antieuropéens, et ils sont nombreux», dit-elle.

La Genevoise se considère aussi comme un obstacle sur la route de «ceux qui veulent imposer contrôles et limites partout et toujours.» Un exemple? Vreni Müller-Hemmi, conseillère nationale socialiste zürichoise, qui s’oppose au diagnostic préimplantatoire, permettant de sélectionner des embryons sans anomalie génétique dans le cadre d’une fécondation in vitro.

Autres rivaux, «la plupart des banquiers et toute la bien-pensance qui s’opposent à l’amnistie fiscale, souvent traitée d’amnistie morale.»

Sur un plan plus genevois, elle s’oppose à celui qui est pour elle un frein à une politique de développement de tous les transports: le député de l’Alliance de Gauche et ancien Conseiller d’Etat Christian Grobet.

Alain Dupont
Alain Dupont est fondateur de l’entreprise de réinsertion pour handicapés psychiques Trajets. «Voici un homme qui peut se permettre de dire que l’Etat devrait moins s’occuper de social, car il a voué sa vie entière à des questions sociales liées au handicap. C’est aussi ma porte d’entrée sur le Canada, un pays qui invente continuellement et qui évalue constamment ses propres actions sociales.»

Steeves Emmenegger
A propos de Steeves Emmenegger, président de l’entreprise sociale privée PRO, qui s’engage pour la réinsertion des personnes handicapées, Barbara Polla dit: «C’est un vrai professionnel des relations humaines et du conseil d’entreprise. Par lui j’ai accès à un réseau très efficace au niveau romand.»

Connexions culturelles

Pascal Bruckner
«Pascal Bruckner est l’exception française», dit Barbara Polla. «C’est un intellectuel de haut vol, modeste, abordable et gentil. Il m’a présentée à des auteurs et des éditeurs français. Et moi je fais partie de son réseau romand.»

Philippe Hurel
Philippe Hurel, compositeur, considéré par certains comme le fils spirituel de Pierre Boulez, est directeur artistique de l’Ensemble Court circuit créé dans la galerie Analix en 1991. «Il a composé des morceaux pour nous, dont «Pour Luigi». Grâce à lui, j’ai un pied dans le monde international de la musique.»

Axel Kahn
«Axel Kahn est l’intellectuel français qui a introduit la réflexion philosophique dans le travail de laboratoire. Une référence en matière d’éthique et un homme d’une grande disponibilité.»

Connexions technologiques

Valéry Grancher
La relation entre la création scientifique et artistique est au cœur des activités de Barbara Polla. Et le virtuel y occupe une place importante: «J’aime ce qui est nouveau et drôle!» Artiste et intellectuel français, Valéry Grancher est un spécialiste de l’art virtuel et des questions juridiques liées au web. Il a aussi été responsable du multimedia au Seuil. «Si j’ai besoin de compétences par rapport aux nouvelles technologies, je lui demande.»

Miltos Manetas
Artiste et figure de l’art virtuel. «Il connaît tous les artistes du domaine du virtuel. C’est un monde très international, et la mobilité des artistes facilite la création de réseaux.»

Pascal Perez
Ce jeune homme de 20 ans, étudiant à l’EPFL et bientôt à Stanford, a créé sa propre société à l’âge de 16 ans. Repéré par Barbara Polla lors d’un Forum Jeunes du Parti Libéral suisse, alors qu’elle dirigeait le think tank Logos, il a coécrit avec elle le livre «Vocation créateurs» aux éditions du Tricorne. «L’héroïne de mon nouveau roman est une bioinformaticienne donc j’ai bien besoin des conseils de Pascal!»

Geneviève Morand
«La belle et incontournable Geneviève Morand est pour moi un symbole de l’innovation et des nouvelles technologies.»

Markus Schriber
Cet ancien patron de Dupont de Nemours à Genève dirige actuellement l’incubateur Eclosion. Il avait créé l’un des premiers réseaux suisse de la new economy, («Le Réseau»), dont Barbara Polla était membre.

Connexions féminines

Réseau Femmes
Féministe, Barbara Polla? Elle est proche de Helena Zanelli, figure du mouvement féministe genevois et prépare un livre sur les relations entre hommes et femmes. «Je milite depuis 25 ans pour le développement des carrières féminines. Mais vous remarquerez que dans mon réseau il y a beaucoup d’hommes…»

Les amies
La chasseuse de tête Caroline Miller dirige un mystérieux groupe nommé Girls Connection «dans lequel on s’amuse beaucoup», dixit Barbara Polla. Autre amie, Viviane de Witt «a le réseau global le plus important dans tous les domaines, que ce soit l’art, les entreprises ou les femmes.»

Connexions médiatiques

Frédéric Chaubin
Frédéric Chaubin est rédacteur en chef de Citizen K, magazine français glamour et intellectuel. «Je le connais depuis plus de 10 ans, nous nous sommes rencontrés à Paris, après un vernissage de la fondation Cartier, et c’est l’un des rares hommes auxquels j’ai demandé sa carte de visite à la fin de la soirée… Et cela fait 10 ans que j’écris régulièrement pour Citizen K. Frédéric est une source inépuisable de connaissances au sens large du terme.»

Jérôme Lefèvre
Jérôme Lefèvre écrit notamment pour le magazine parisien Crash. «Je lui présente régulièrement artistes, galeristes, journalistes ou mécènes potentiels… Et lui m’emmène chez Vogue à Paris pour parler de mon livre!»

Aline Yazgi
Aline Yazgi est rédactrice en chef adjointe de PME magazine. «J’apprécie ses compétences, ses connaissances et sa vision équilibrée et critique.»

Pierre Marcel Favre
«Pierre Marcel Favre, parce qu’il connaît tout le monde, que tout le monde le connaît, et qu’un bon éditeur est un éditeur qui m(‘)édite…»

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Une version de cet article est parue dans L’Hebdo du 16 juin 2005.