LATITUDES

Le khat a la cote

Plus de 120 kilos de ces branchettes à mastiquer ont été interceptés récemment à la douane des Verrières. Les saisies de khat ont augmenté de 100% en un an en Suisse. Explications.

Le 7 avril dernier, les douaniers ont mis la main sur 127 kilos de stupéfiants empilés à l’arrière d’un monospace franchissant le poste des Verrières (NE). Un fait divers banal, malgré l’importance de la saisie. Ce qui l’est moins, c’est la substance interceptée: du khat.

Ces branchettes d’un arbuste africain (le «catha edullis») sont réputées pour l’euphorie et l’effet coupe-faim qu’elles provoquent quand on les mastique. L’an dernier, les douaniers suisses en ont saisi plus d’une tonne. Soit le double de l’année précédente.

«Le khat figure sur la liste rouge de la loi sur les stupéfiants qui date de 1951, indique Michel Graf, directeur de l’Institut suisse de prévention de l’alcoolisme et autres toxicomanies (ISPA). Mais ses effets physiques ne peuvent être considérés comme un grave danger pour la santé publique. Je pense qu’il y figure surtout à cause de son caractère exotique.»

Consommé à l’origine lors des rituels religieux, le khat s’est progressivement répandu dans les sociétés d’Afrique de l’Est et de la péninsule arabique, où il est devenu très populaire. Au Yémen, on estime que près de 80% de la population adulte masculine en mâche régulièrement.

L’Europe ne l’a pas unanimement banni, puisque le «catha edullis» peut être consommé librement sur les territoires britannique et néerlandais. La cargaison interceptée aux Verrières avait d’ailleurs été chargée aux Pays-Bas, par un homme d’origine somalienne qui faisait l’objet d’une mesure d’éloignement du territoire suisse jusqu’en 2010.

«Les gardes-frontière ont vite identifié la substance, car ils suivent une formation spécifique liée aux stupéfiants, où le khat est étudié», explique le capitaine Maurice Kilchoer, chef du secteur Neuchâtel du corps des gardes-frontière.

Avec cette prise record, et une augmentation de 100% des saisies en un an, on peut se demander si le khat fait l’objet d’un engouement particulier auprès des consommateurs helvétiques. «En quinze ans d’expérience, c’est la substance dont j’ai le moins entendu parler, dit le directeur de l’ISPA. Les jeunes consommant des amphétamines sont davantage attirés par des produits dont l’effet est rapide. Ils recherchent l’immédiateté.» Le mode de consommation du khat, la mastication, constitue un obstacle. «D’où son faible risque de provoquer des surdoses, car à moins d’être un ruminant, il est difficile d’abuser du khat!»

Mêmes propos rassurants chez les gardes-frontière: «Avant l’interception d’avril, nous avions juste eu quelques petits cas, dont deux prises de 100 grammes», indique le capitaine Kilchoer. Aucune raison donc de tirer la sonnette d’alarme. Selon Michel Graf, «la cargaison interceptée ne faisait peut-être que transiter par la Suisse. Au niveau de l’ISPA, le khat n’est en tout cas pas un produit sur lequel nous axons nos activités de prévention.»