TECHNOPHILE

Robot suisse cherche cafard belge

A Lausanne, des machines miniatures séduisent les blattes. Une prouesse qui pose des questions éthiques.

Première mondiale: des robots de l’EPFL viennent de s’intégrer dans une communauté de blattes d’un laboratoire scientifique belge. Avec pour mission de les faire se déplacer d’un endroit à un autre: une révolution technologique qui soulève des questions morales.

Petit cube vert de la taille d’une boîte d’allumettes, le robot autonome de l’EPFL, nommé InsBot, se déplace sur des roulettes et adopte le même comportement que les blattes: ne supportant pas la solitude et le jour, il recherche compagnie et obscurité. Il erre jusqu’à ce qu’il rencontre un cafard sous l’un des deux abris qu’ont installés les chercheurs belges. Puis, en véritable imposteur, il reste à ses côtés.

Les autres cafards se joignent au couple et acceptent l’InsBot comme faisant partie des leurs. L’étape suivante consiste à programmer l’InsBot pour qu’il influence les cafards: il a pour mission de les guider dans l’autre abri. «Il faut deux ou trois robots pour attirer une douzaine de blattes au même endroit», explique José Halloy, physicochimiste et coordinateur de l’expérience à l’Université libre de Bruxelles.

Plusieurs paramètres ont été pris en compte pour la création de ces blattes robotisées, non seulement au niveau comportemental, mais également en ce qui concerne l’odeur. «L’apparence physique, quant à elle, n’est pas un critère d’acceptation pour les blattes», explique le Dr Francesco Mondada, spécialisé dans la robotique mobile à l’EPFL.

«C’est la première fois que des machines s’adaptent et répondent aux comportements des insectes et vice versa», s’enthousiasme José Halloy. Pourra-t-on bientôt, grâce aux robots, faire sortir les cafards des maisons? Remplacer les chiens de berger? Eliminer les clôtures bovines? «Il s’agit pour l’instant de comprendre la dynamique de ces nouvelles communautés, tempère Francesco Mondada, également responsable du projet pour l’EPFL. Il est encore trop tôt pour dire si les InsBots pourront un jour chasser les cafards des placards.»

Mais cette expérience est d’ores et déjà l’une des plus importantes jamais réalisées sur les communautés mixtes, à la fois animalière et robotique. Elle s’inscrit dans le cadre d’un projet financé à hauteur de 1,5 million d’euros par l’Union européenne et de 500’000 euros par la Confédération.

Les recherches se termineront cet été, après 3 ans de travail. Baptisé «Leurre», le projet réunit une équipe de scientifiques français, belges et suisses et a pour but d’évaluer dans quelle mesure un robot peut changer le comportement d’une société animalière. Si les cafards ont été sélectionnés pour cette première enquête, c’est en vertu de leur petite taille et de leur instinct grégaire.

Prochaine étape: la poule Le succès de cette recherche, pour laquelle les scientifiques ont déjà obtenu les 80% des résultats escomptés, permettra de réaliser éventuellement de telles expériences sur les vertébrés. «Nous envisageons d’introduire un robot dans une communauté de poules, précise le chercheur belge. L’idée est qu’il soit présent dès que le poussin sort de l’oeuf pour qu’il soit accepté. La machine entretiendra ainsi une relation privilégiée avec l’animal et pourra peut-être le faire courir pour éviter qu’il ne souffre d’un excès de sédentarité, par exemple.»

Une telle tromperie des animaux est-elle moralement acceptable? Le Dr José Halloy assure que l’introduction des leurres dans les communautés animalières vertébrées n’ira pas sans considération éthique.