La promotion de la Suisse auprès de la communauté gay et lesbienne anglosaxonne contient plusieurs erreurs. Réactions énervées dans le milieu.
Le projet avait toutes les apparences de la bonne idée. Pour attirer la clientèle homosexuelle anglosaxonne, Suisse Tourisme avait fait imprimer l’an dernier une brochure présentant les différentes régions de Suisse, avec paysages bucoliques de circonstance, et surtout de nombreuses adresses de clubs, bars et discothèques gay.
Un budget de 166’000 francs avait été débloqué pour cette brochure de 47 pages censée séduire une communauté volontiers voyageuse et réputée pour son pouvoir d’achat supérieur à la moyenne. Or le prospectus contient de nombreuses erreurs et autant de lacunes: pour Genève, il recommande un club fermé depuis trois ans (le Lollypop) et fait l’impasse sur l’un des bars le plus prisés par les gays genevois (le Phare).
«Pareil pour Lausanne: la brochure ne mentionne ni les soirées Trixx, ni les Jungles, qui sont pourtant incontournables», dit David, journaliste à «360», le magazine romand à sensibilité homosexuelle qui vient de consacrer un article à l’affaire.
Comment expliquer un tel amateurisme? «Nous avons fait une sélection non exhaustive des lieux, dit Philippe Kühne, directeur du marketing de Lausanne Tourisme. Et il est vrai que nous avons omis d’en mentionner, ce qui sera rectifié dans le prochain numéro.»
Au-delà des erreurs factuelles, le journaliste estime que cet effort commercial tend à occulter la réalité: «La Suisse n’est pas aussi favorable aux gays et lesbiennes que veut le faire croire Suisse Tourisme. Le pays a beaucoup de mal à faire passer le PACS. Les homos sont encore victimes de discrimination, même dans la rue.» Selon le journaliste, cette promotion biaisée risque donc de décevoir les touristes ciblés.
Suisse Tourisme a pourtant recouru à des consultants anglosaxons spécialisés dans les communautés homosexuelles pour réaliser sa brochure. «Il s’avère que la combinaison entre nature et urbanisme en Suisse est particulièrement prisée par les gays et lesbiennes», explique Oliver Kerstholt, porte-parole de Suisse Tourisme.
L’organisme a aussi effectué une étude de marché : les touristes homosexuels anglosaxons, qui appartiennent souvent à la catégorie DINKS (double income no kids, double revenu sans enfant), pourraient rapporter près de 50’000 nuitées par année au pays, ce qui représente environ 12 millions de francs.
«J’ai l’impression qu’on devient respectable à partir du moment où l’on sort le porte-monnaie», déclare Jean-Paul Guisan, secrétaire romand de l’association Pink Cross.
Cela dit, la communauté homosexuelle semble apprécier l’effort, à l’image de François Haaker-Chijner, secrétaire général de l’association genevoise Dialogai, qui estime qu’«une telle opération contribue tout de même à lutter contre les discriminations».