GLOCAL

La victoire réjouissante des socialistes français

Pour avoir choisi, par un opportunisme criant, de jouer la même carte que Jospin, Fabius se retrouve dans les cordes. Le parti sort renforcé et grandi de cette épreuve risquée. Y compris en Suisse.

Bel exercice de démocratie que celui administré par les socialistes français avec leur référendum interne sur la constitution européenne. C’est bon pour leur image autant que pour la réputation d’une démocratie directe à laquelle les Français sont peu habitués.

Et l’importance de la participation ne fait que mettre en évidence la faiblesse de notre chère démocratie directe helvétique qui à force d’imposer des consultations populaires sur tout et son contraire offre aux citoyens une parodie de démocratie, ainsi qu’on a pu le constater lors des votations du 28 novembre dernier.

Des socialistes français largement favorables à la construction européenne, voilà une réalité qui, depuis le départ de Mitterrand et Delors, était soigneusement cachée. Les années Jospin n’ont pas été – c’est le moins qu’on puisse dire! – marquée du sceau européen tant le premier ministre socialiste était obnubilé par sa candidature à l’Elysée et ne se voyait d’autre avenir qu’hexagonal.

Pour avoir choisi, par un opportunisme criant, de jouer la même carte que Jospin, Fabius se retrouve aujourd’hui sinon k. o. du moins dans les cordes. Et c’est heureux, car depuis son passage au pouvoir il y a vingt ans, il n’a cessé de prendre ses concitoyens pour des demeurés, notamment dans l’affaire du sang contaminé.

Ayant pris le risque de diviser durablement, voire de faire éclater, le parti socialiste sur la question européenne en avançant des arguments qui sonnaient faux tant son virage vers la gauche antilibérale paraissait risible et peu convaincant, il y a peu de chances que l’ex plus jeune premier ministre parvienne à rétablir sa position pour l’échéance 2007. Et surtout qu’il parvienne à convaincre les non socialistes du sérieux de sa candidature.

Mais Fabius éliminé, Hollande ne reste pas seul! Il devra compter avec les Strauss-Kahn, Lang, Aubry, etc. Et surtout avec Jospin à qui les sondages, par leurs classements flatteurs, rendent la perspective d’un come back de plus en plus irrésistible.

Le parti socialiste sort renforcé et grandi de cette épreuve risquée. Son adhésion à la constitution européenne va renforcer le processus de construction et d’élargissement. Mais il faut espérer que forts du vote des militants, les dirigeants pensent aussi à l’approfondissement du volet social européen.

Que la gauche souverainiste, réactionnaire et conservatrice ait été clairement battue n’implique pas qu’elle se trompe dans toutes ses analyses: le vote des militants socialistes français ressemble plus à un oui à la construction de l’Europe qu’à une approbation à l’Europe droitière de José Manuel Barroso.

Cette victoire de l’idéal sur la politique politicienne vient au bon moment, alors que la crise ukrainienne prouve une fois de plus la nécessité pour l’Union européenne d’avoir une politique étrangère et de défense forte et dynamique. Pour les partis socialistes européens, elle permettra – qui sait? il est toujours bon d’espérer! – de remettre à plat quelques options fondamentales. Comme par exemple, les divergences trop visibles pour ne pas faire désordre entre socialistes britanniques, allemands et français. Ou la dérive grecque, avec la colossale escroquerie commise par l’ancien gouvernement socialiste de Simitis et Papandreou au détriment des règles européennes.

Ou encore le curieux soutien apporté par les socialistes européens au régime Iliescu en Roumanie, un régime corrompu jusqu’à la moelle.

De surcroît, au sein même du parti socialiste suisse, la victoire de Hollande sur les Fabius, Emmanuelli et autre Montebourg, va rabattre le caquet des antieuropéens de tout poil qui, depuis quelques semaines, commençaient à nous jouer des sérénades blochériennes. On ne va pas bouder une bonne nouvelle dans un domaine où elles sont si rares!