En dessus du désert du Kalahari, un étroit territoire de 18’000 km2 se soulève contre le gouvernement namibien. Coup de projecteur sur une zone peu connue, colonisée il y a un siècle par les Allemands.
Lundi 2 août, les indépendantistes de l’Armée de Libération du Caprivi ont passé à l’offensive en attaquant les sièges de la police et de la radio de Katima Mulilo, chef-lieu régional, une petite ville proche de la Zambie dont elle n’est séparée que par un Zambèze fort impétueux. Comme on ne reprochera à personne de ne pas situer immédiatement la bande de Caprivi, précisons que ce territoire désertique au nom bizarre, appendice septentrional de la Namibie (ancien Sud-Ouest Africain) s’étire tout en longueur entre le Botswana au sud et l’Angola et la Zambie au nord. A vue de nez, elle doit faire quelque 500 km de long sur 30 km de large, avec une boursouflure près du Zambèze.

C’est l’an dernier que, après 9 ans d’indépendance namibienne, les ferments de la révolte ont commencé à germer chez les habitants – des Hottentots – qui passent pour les seuls indigènes de l’Afrique australe. D’après les agences de presse, il faudrait y voir l’influence de l’UNITA de Jonas Savimbi qui mène depuis un quart de siècle une meurtrière guerre civile dans l’Angola voisin. Les Ovambos, qui soutiennent Savimbi, occupent aussi le nord de la Namibie. Il n’est pas impossible que le chef rebelle angolais, en perte de vitesse dans son pays, cherche une internationalisation du conflit.
L’attaque de lundi a causé la mort de quinze personnes et le gouvernement namibien a décrété l’état d’urgence dans la région et a envoyé mercredi 700 hommes renforcer les 1000 soldats déjà sur place.
Dans la seconde moitié du XIXe siècle, la Namibie a été colonisée par les Allemands. Vers 1850, des voyageurs et des missionnaires germaniques ont pris pied sur la côte atlantique du pays que les marins nommaient du doux nom de Côte des Squelettes.
Des commerçants ont suivi, qui fondèrent la «Westdeutscher Verein für Kolonisation und Export». Son but: acheter des terres pour créer des plantations, négocier des concessions pour exploiter les mines de diamants. Contre quelque menue monnaie et de vagues fusils, les Allemands achètent les hectares par dizaine de milliers. Pour Bismark, qui est alors au pouvoir, il s’agit de rattraper le retard que Berlin a sur Londres et Paris en matière coloniale.
Stratégiquement, il attaque l’Afrique noire par le Togo et le Cameroun, Zanzibar et le Tanganyika (unis aujourd’hui dans la Tanzanie) et par la Namibie. Quand les autochtones ont la mauvaise idée de ne pas apprécier cette influence civilisatrice, on les tire comme des lapins. Entre 1894 et 1903, l’armée allemande réprime une série d’insurrections qui lui permettent de déposséder les rebelles de leurs terres et de leurs troupeaux. En 1904, une révolte générale des Hereros se solde trois ans plus tard par la disparition du 80% de cette tribu, soit 65’000 morts. (A la même époque, en Afrique du Sud, les Anglais inventent le scoutisme et les camps de concentration).
Mais Caprivi? Après la disparition des colonies allemandes confisquées par les vainqueurs de la Première guerre mondiale, la bande de Caprivi reste l’un des seuls témoignages tangibles du rêve impérialiste allemand. Car elle porte tout simplement le nom du chancelier qui succéda à Bismark, Georg Leo, comte de Caprivi, rejeton d’une noble famille italienne installée en Allemagne.
En 1890, il parvient à conclure une accord diplomatique avec l’Angleterre sur la répartition de quelques territoires africains. A cette occasion, il obtient de prolonger la Namibie jusqu’au fleuve Zambèze par cette étroite bande de terre à laquelle il donne son nom.
Ce qui nous apparaît aujourd’hui comme une fantaisie inexplicable avait alors sa raison d’être. Le chancelier projetait une voie de chemin de fer transafricaine reliant la Namibie et le Tanganyika, avec annexion, si possible, des territoires qu’elle traverserait. Mais il se heurtait à un poids lourd de la colonisation anglaise, Cecil John Rhodes, qui lui n’avait qu’une idée en tête, ne pas quitter l’Empire britannique entre Alexandrie et Le Cap. Et qui parvint à la réaliser.