LATITUDES

La pilule qui vous tient éveillé sans effets secondaires

A l’image du Viagra et du Prozac, la molécule du Modafinil s’affirme comme le nouveau médicament à la mode. Elle vous évite de dormir. Et elle annonce la société du 24 heures sur 24.

Le mythe de la journée sans fin serait-il en passe de devenir réalité? Une nouvelle potion qui n’a rien de magique vous permet de rester 24 heures sans dormir et apparemment sans effets secondaires. Sa formule chimique, C15H15NO2S ou ((Diphénylméthyl)sulfinyl)- 2acétamide est celle du Modafinil.

Cette molécule capable d’éradiquer la fatigue pourrait bien parachever la transformation de notre société en une «24 hour society» (un terme déjà bien présent outre-Atlantique pour qualifier une société devenue chronophage, chassant en permanence les temps morts comme la pause de midi, la sieste, le dimanche ou la nuit).

Les soldats alliés y ont recouru, pour assurer leur progression en Irak. Tout comme l’athlète américaine Kelli White, vainqueur sur 100 et 200 mètres lors des derniers Championnats du monde. C’est justement parce qu’elle a été testée positive au Modafinil que Kelli White sera absente des Jeux olympiques d’Athènes.

Théoriquement, le Modafinil ne peut être prescrit qu’aux patients souffrant de somnolence subite (narcolepsie). Mais cette substance commercialisée par le laboratoire Cephalon sous le nom de Provigil aux Etats-Unis et Modasomil en Suisse compte en réalité un nombre d’utilisateurs qui dépasse largement le nombre de patients souffrant de ce trouble.

A l’image du Viagra et du Prozac, le Provigil devient un médicament à la mode, une drogue «style de vie» au sein d’une société épuisée, parce que privée de sommeil (en l’espace d’un siècle, les Européens ont perdu 2 heures de sommeil quotidien). Il est utilisé par des individus qui ne souffrent que du désir de modifier leur rythme circadien. Les petits cafés ne suffisant plus pour suivre la cadence, on passe aux produits dopants.

Le Sunday Times daté du 4 juillet 2004 consacrait un article à cette pilule miracle qui inquiète les responsables de la santé publique. Ses futures «bénéficiaires», ou «victimes», selon le point de vue, sont à chercher du côté des étudiants en période d’examen, des parents s’occupant de nourrissons, des accros d’informatique ou de jeux vidéo, des «workaholics» et, bien évidemment, de tous les amoureux de la vie nocturne.

Mais le non-stop ne s’applique pas qu’au registre des plaisirs. Le monde du travail est concerné de près. Ainsi, au cours des vingt dernières années, le nombre de travailleurs du dimanche a été multiplié par quatre au sein de l’UE.

Par ailleurs, dans les conventions collectives, les comptes de temps de travail annuel font leur entrée pour permettre d’absorber des périodes de travail très intense (jusqu’à 16 heures par jour) suivies de temps creux. Verra-t-on un jour des patrons booster leurs employés au Modafinil ?

Paul Blake, cadre chez Cephalon, admet que sa firme n’avait jamais imaginé que ce produit allait connaître pareil succès. Un succès qui tient à la quasi absence d’effets secondaires à court terme, contrairement aux amphétamines. Il n’en demeure pas moins que son mode d’action demeure inconnu, tout comme d’éventuels effets à long termes.

Le 24 heures sur 24, le non-stop recouvre des domaines de plus en plus nombreux: assistance téléphonique, fitness, banque, internet, chaînes de TV, transports, shopping, monde du travail. L’ouverture en continu est en pleine expansion.

«La nuit ne se transforme pas en jour en tout endroit, mais les contours de nos structures temporelles s’effilochent», constate le professeur berlinois d’urbanisme cialis medication dosage. Un constat confirmé par l’arrivée sur le marché du Modafinil.

Les détracteurs de la société 24/7 aiment à relever que Dieu lui-même n’a pas travaillé non-stop et qu’après six jours de labeur, il s’est accordé un temps de répit…

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«The 24 Hour Society», Leon Kreitzman, Profile Books.

«The Twenty-Four-Hour Society: Understanding Human Limits in a World That Never Stops», Martin Moore-Ede, Addison-Wesley.

«La ville 24 heures sur 24», de Luc Gwiazdzinski.

Pour tenter l’expérience, commander, sans ordonnance, du Modafinil.