CULTURE

«Sunscreen» de Baz Luhrmann, l’histoire d’un virus devenu chanson

Le cinéaste de «Romeo et Juliette» occupe les hit-parades avec une chanson dédiée à la crème solaire. Ce remix trouve son origine dans les arcanes d’internet.

C’est le tube le plus improbable de l’année. On l’entend partout. On voit le clip sur MTV et on n’y comprend pas grand chose. «Everybody’s Free (To Wear Sunscreen)» est une drôle de chanson: écrite pas une journaliste, attribuée à un écrivain, composée via internet, enregistrée par un cinéaste et propulsée au sommet des hit parades américains et européens.

L’histoire commence sous le soleil de mai 97. Mary Schmich, 45 ans, chroniqueuse au Chicago Tribune, se rend à son travail sans trop savoir ce qu’elle va écrire ce jour-là. En marchant le long du lac Michigan, elle aperçoit une jeune femme allongée sur la pelouse. A-t-elle mis de la crème solaire? Mary Schmich voit poindre une idée.

L’été approche, l’année universitaire prend fin. Mary décide de rédiger sa chronique sous la forme d’une allocution prononcée lors d’une remise de diplôme. Elle griffonne quelques conseils pour ces jeunes gens de 22 ans qui vont entrer dans la vraie vie: «Chaque jour, faites quelque chose qui vous effraie… N’oubliez pas de chanter… Jouissez de votre corps… Utilisez-le de toutes les manières possibles… Ne lisez pas les magazines de mode, ils vous donneront l’impression d’être moche… Mettez de la crème solaire.»

La chronique de Mary Schmich paraît le 1er juin 1997 dans le Chicago Tribune. Quelques semaines plus tard, des dizaines, puis des centaines, puis des milliers d’internautes reçoivent ce texte dans leur boîte à lettres électronique, avec une mention indiquant qu’il s’agit d’une allocution prononcée par l’écrivain Kurt Vonnegut devant la volée 1997 du Massachusetts Institute of Technology.

Cette liste de recommandations pseudo-philosophiques plaît beaucoup aux internautes, qui l’envoient à leurs amis. C’est l’effet boule de neige. Le texte se répand à une vitesse exponentielle et tout le monde croit que Kurt Vonnegut l’a écrit. Les conseils subtils ou triviaux, l’humour des formules correspondent bien au style de l’auteur d’«Abattoir 5». On apprendra finalement que Vonnegut n’a rien à voir avec cette histoire de crème solaire.

Ce canular a fait l’objet de nombreux articles. Il a souvent été cité comme un exemple de l’information non vérifiée qui circule sur le Net. Une enquête a même été menée pour en démasquer l’auteur. Elle n’a débouché que sur une information: l’inconnu(e) utilisait le pseudonyme de «Culprit Zero».

L’histoire aurait pu s’arrêter là. Elle rebondit en Australie quelques mois plus tard.

Le cinéaste Baz Luhrmann, qui vient de connaître un succès planétaire avec sa version urbaine de «Romeo et Juliette», enregistre un disque qui réunit des remixes de ses meilleures bandes-son. Occupé à une version de «Everybody’s Free» (un des tubes de «Romeo et Juliette», chanté par Quindon Tarver), il découvre sur le Net la chronique attribuée à Vonnegut. L’a-t-il lue par hasard, sans savoir qu’il s’agissait d’un canular? Il affirme que oui.

Baz Luhrmann décide d’intégrer cette liste de conseils au remix d’«Everybody’s Free», en la faisant réciter par un acteur. Il mène une recherche pour régler les questions de copyright et contacte Mary Schmich, qui accepte le projet.

Le disque sort dans le commerce de manière presque confidentielle. Quelques stations de radio américaines l’intègrent dans leur play-list et s’aperçoivent qu’à chaque fois qu’il passe sur les ondes, quelques auditeurs appellent pour en demander les références. Certains disent que ce texte les a touchés, d’autres qu’il a changé leur vie. Le disque (aussi tadalafil 5mg cialis en RealAudio) est programmé de plus en plus souvent et devient un vrai tube, d’abord aux Etats-Unis, puis en Grande-Bretagne, puis en Europe continentale. C’est le second «effet virus» de cette histoire de crème solaire.

Mary Schmich a publié un ouvrage dans lequel elle raconte toute la cybersaga, et le livre se vend bien aussi. Faut-il préciser que le texte original de la chronique est désormais reproduit sur d’innombrables sites? Largeur.com le publie aujourd’hui en traduction française.