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Embarquement impossible

Plus de 500 gares et deux tiers des quelques 23’000 arrêts de bus et de trams suisses ne sont pas accessibles à des usagers en situation de handicap. Un problème qui touche 1,7 million de personnes, et quiconque voit un jour sa mobilité réduite.

Vingt ans. C’est le délai qu’avaient en 2004 les entreprises de transport et les gestionnaires d’infrastructures pour adapter leurs réseaux aux besoins des passagers en situation de handicap. Objectif: permettre à tous les usagers d’utiliser sans discrimination les transports publics suisses de manière autonome. Mais depuis l’entrée en vigueur de cette Loi sur l’égalité pour les personnes handicapées (LHand), seul 60% des quelques 1’800 gares et un tiers des plus de 23’000 arrêts de bus et de trams ont été aménagés en conséquence.

Les cantons du Jura, du Valais et de Vaud affichent respectivement un taux d’inaccessibilité de 91%, 77% et 56%, d’après une analyse de la base de données des CFF réalisée par la RTS en février 2024. La faitière Inclusion Handicap dénonce un manque de sérieux dans la planification des travaux et des budgets, et un suivi trop tardif de l’Office fédéral des transports (OFT). «Notre société continue de percevoir le handicap comme une anomalie individuelle qui justifie que la personne concernée soit limitée dans tous les domaines de la vie, et notamment en matière de mobilité», déplore Caroline Hess-Klein, cheffe du département égalité au sein de l’association.

À Genève, 47% des arrêts de bus et de trams sont définis comme inaccessibles. Sur le terrain, la réalité peut toutefois se révéler différente. «Certains arrêts ne sont, par définition, pas conformes à la LHand, mais accessibles dans les faits, détaille François Mutter, porte-parole des transports publics genevois. Il y a des endroits où les véhicules qui passent disposent de rampes ou de planchers pouvant s’abaisser, et où les conducteurs aident les usagers à embarquer.» Les cantons de Vaud et du Jura présentent une situation similaire, qui ne change toutefois pas le fonds du problème pour Caroline Hess-Klein. «Les personnes souffrent d’un énorme manque de flexibilité pour voyager d’un point A à un point C, en passant par un point B potentiellement inaccessible.»

Outre les bénéfices qu’elles apportent aux 1,7 millions de personnes en situation de handicap en Suisse, les mesures de la LHand profitent à d’autres catégories de la population, rappelle l’OFT. Les usagers âgés ou voyageant avec de nombreux bagages, avec une poussette ou des béquilles ont en effet également besoin d’un accès adapté aux transports publics, grâce à des véhicules à plancher surbaissé ou à des quais atteignables via une rampe ou un ascenseur.

Navette et prochains délais

Depuis le 1er janvier 2024 et dans l’attente de la mise en conformité de leurs arrêts, les réseaux de transports suisses sont contraints de mettre à disposition une navette, joignable via le Contact Center Handicap. Le service permet aux personnes de rejoindre le prochain arrêt accessible. «Depuis le début de l’année, nous n’avons reçu qu’une seule demande, dit François Mutter. Les personnes ont probablement leurs habitudes et d’autres solutions pour pouvoir se déplacer malgré l’inaccessibilité constatée d’un arrêt.»

Selon le rapport de l’OFT, 217 gares sur 540 seront conformes d’ici 2027. Le reste d’ici 2030. Les délais concernant l’adaptation des arrêts de bus et de trams ne sont pas indiqués. «Un projet de révision de la LHand est actuellement en cours, mais rien n’est prévu pour assurer que les transports publics continuent à être rendus accessibles après l’échéance du délai, qui n’a déjà pas été tenu», regrette Caroline Hess-Klein.

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Une version de cet article réalisé par Large Network est parue dans la Tribune de Genève.