L’ancien commandant en chef de l’OTAN a retourné sa veste de manière spectaculaire à propos de l’Irak. A-t-il ses chances dans la course à la Maison Blanche?
«A new american patriotism.» Wesley Clark, le dernier météore de la politique américaine, a trouvé le slogan sous lequel il va placer sa campagne électorale. Le patriotisme, encore et toujours.
Crédité d’une percée fulgurante dans les sondages — lundi dernier, il était annoncé à 43% des intentions de vote contre 47% à un Bush qui n’est selon toute vraisemblance qu’au début de sa dégringolade préélectorale –, l’ancien commandant en chef de l’OTAN pourra-t-il tenir le rythme? Cela n’est pas joué d’avance. Les critiques fusent déjà pour dénoncer l’imposture de sa dénonciation de la guerre en Irak.
Clark a en effet, au cours de ces derniers mois, fréquemment affirmé que s’il avait été membre du parlement, il aurait voté pour l’intervention en Irak. En janvier, sur CNN, il affirmait de manière très catégorique sa conviction que Saddam détenait des armes de destruction massive. Après la victoire, il constatait: «La campagne en Irak illustre le progrès continuel de la tactique et de la technologie militaires».
Aujourd’hui, il prétend avoir été depuis toujours contre la guerre! Remarquez qu’il ne court pas grand risque: il est candidat aux Etats-Unis, pas en Serbie, cette Serbie dont il détruisit les infrastructures lorsqu’il commandait l’intervention de l’OTAN dans les Balkans.
De plus, l’électeur, pas seulement aux Etats-Unis, est connu pour avoir la mémoire courte. N’empêche, une telle versatilité peut coûter cher dans une bataille qui ne brille jamais par la mise en valeur des nuances.
Nous assisterons donc sans doute à une empoignade entre un général appuyé par le clan Clinton d’une part, et le clan Bush appuyé par un autre général, Colin Powell, d’autre part. Cela en dit long sur la dérive de la démocratie américaine depuis quelques années. Mais cela attire aussi l’attention sur l’impénétrabilité des voies non pas du Seigneur, mais de l’histoire.
Après la victoire (à l’arraché, au sens propre) de Bush Jr et de son équipe de néo-fondamentalistes ultradroitiers, on aurait pu s’attendre à une classique gestion autoritaire et technocratique du pouvoir, tant les vainqueurs étaient téléguidés par de grandes multinationales à l’appétit sans cesse en éveil.
A l’époque, l’arrivée de Powell aux affaires passait pour un susucre lâché à un électorat noir que les républicains se désolaient de voir voter démocrate avec une constance énervante. Un général diplomate en chef, cela ne faisait pas très sérieux. Erreur!
Après le 11 septembre, alors que son président recourait aux mesures d’exception, créait un nouveau ministère de la sécurité, dotait le pays d’une loi liberticide, le Patriotic Act, le général se positionna en politicien modéré perdu dans une fosse emplie de lions ne pensant qu’à faire couler le sang. On assista alors à cette métamorphose tout à fait étonnante: le général perdit ses crocs et se transforma presque en agneau pacifique.
Wesley Clark tente aujourd’hui la même opération, mais à l’envers. C’est à partir du centre-gauche qu’il espère mordre sur la droite. On connaîtra ses chances réelles non pas dans les sondages de la semaine prochaine, mais lorsque, vraiment installé dans la campagne électorale, il fera connaître le nom du partenaire qui l’épaulera sur le ticket démocrate. A moins que cela ne soit une partenaire. Mais au fait, que devient donc Madame Clinton?