CULTURE

Prince, Sting… Grégoire Maret a joué de l’harmonica avec les plus grands

Prince, Elton John, Stevie Wonder, Sting, Herbie Hancock: le Genevois Grégoire Maret joue avec les plus grands. À la veille de son concert le 8 juin aux Athénéennes à Genève, l’harmoniciste s’est confié à Blick sur son long parcours vers la réussite.

Une version de cet article réalisé par Large Network est parue dans Blick.

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De lui, le pianiste Herbie Hancock, légende américaine du jazz, a dit qu’il était «l’un des musiciens les plus créatifs du monde». Marcus Miller, le bassiste virtuose du trompettiste Miles Davis notamment, a déclaré qu’il avait «fait entrer l’harmonica dans le XXIe siècle avec prouesse».

Depuis qu’il a quitté Genève, il y a 30 ans à l’âge de 18 ans, avec l’espoir de faire carrière aux États-Unis, Grégoire Maret s’est imposé dans le modern jazz comme un virtuose de l’harmonica, un instrument rare dans ce genre. Le musicien, qui avait arrêté le chant lors de sa puberté, le découvre pourtant à 17 ans seulement, mais se passionne immédiatement pour «cet instrument proche de la voix».

Des débuts pas si faciles

Vainqueur d’un Grammy Award avec le Pat Metheny Group en 2006 et nommé en 2021 pour son album «Americana» ayant comptabilisé plus de 5 millions de streams sur Spotify, Grégoire Maret semble aujourd’hui inarrêtable. Pourtant, «au début des années 1990, c’était presque impossible de faire une carrière musicale internationale depuis Genève», raconte Grégoire Maret. Paris, Londres ou New York: le jeune adulte veut se donner les moyens de réussir.

Sa double nationalité américaine oriente son choix: il quitte la Suisse, direction la New School University. Une fois son diplôme en poche commencent les années maigres: «Je jouais, j’avais des projets, mais c’était vraiment difficile, surtout financièrement. J’avais décidé de me donner une année ou deux aux États-Unis pour voir ce qui allait se passer. Je pouvais me le permettre, car c’était le début de ma carrière et je savais que je n’allais pas non plus faire grand-chose si je rentrais en Suisse.»

L’importance des connexions, l’harmoniciste la comprend rapidement. Sans relâche, il enchaîne donc les concerts avec des amis: «C’est grâce aux liens que j’ai réussi à créer que, petit à petit, j’ai commencé à m’intégrer et à jouer.»

Sa carrière débute réellement à la fin des années 1990, lorsque Jimmy Scott, chanteur de jazz américain, lui accorde sa confiance. Puis les demandes s’enchaînent: il jouera encore avec les saxophonistes américains Steve Coleman et Ravi Coltrane ou le groupe de jazz de Charlie Hunter, pour n’en citer qu’une poignée sur une longue liste de collaborations: «C’est lorsque j’ai rejoint l’équipe de Cassandra Wilson, en 2003, que j’ai commencé à vivre pleinement de ma musique: elle payait très bien ses musiciens.»

« Peu importe le niveau de gloire, il y aura toujours des hauts et des bas»

S’il côtoie le star-system américain, le Genevois n’a qu’un objectif: pouvoir vivre de sa musique et être payé à sa juste valeur. Il renie toute forme d’attachement au luxe: «Les souvenirs qui resteront, les choses qui vont être en nous, ce ne sont pas les millions que l’on a fait, ce sont les moments extraordinaires que l’on a pu vivre en musique avec des gens qu’on estime.»

Aujourd’hui, l’artiste dit bien vivre de sa musique. Cependant, il confie que sa situation est susceptible de se dégrader à tout instant: «Dans une carrière, peu importe le niveau de gloire, il y aura toujours des hauts et des bas. Quand on parle d’une carrière, on parle d’une vie entière, il est impossible de n’avoir que des hauts.» Les bas, il les a connus notamment durant la pandémie: «En France, les artistes ont reçu des aides, ce qui est extraordinaire. Je peux vous dire qu’aux États-Unis, pendant des mois, on ne recevait rien du tout.»

En éternel optimiste, l’harmoniciste arrive pourtant à relativiser quant à l’instabilité financière de sa profession, quitte à la considérer de manière stimulante : «Quand on est en bas, on essaie de bosser pour retrouver des moments qui nous inspirent.»

Grégoire Maret continue de visiter son pays natal plusieurs fois par année, notamment pour y voir sa famille et ses amis. «Le lien avec Genève sera toujours sacré», raison pour laquelle l’harmoniciste n’exclut pas l’idée de revenir un jour vivre dans le pays qui, en 2017, lui a attribué le Prix suisse de musique, remis par l’Office fédérale de la culture pour mettre en lumière des créations musicales helvétiques exceptionnelles et novatrices.

Aujourd’hui d’ailleurs, mener une carrière musicale internationale depuis Genève est un rêve devenu accessible: «Grâce à mon parcours, je pense avoir aidé certains musiciens à réaliser leur rêve depuis la Suisse, à leur faire comprendre que c’était possible, qu’il n’y avait pas de barrières.»

Recette du succès

La recette du succès? Grégoire Maret la résume en trois mots: «Énormément de travail.» L’abandon, le renoncement ne font pas partie de son répertoire, car, pour lui, «on échoue mille fois et on réussit une fois. L’important est de savoir travailler quotidiennement sur ses faiblesses.»

Malgré son oreille musicale, il doit son niveau à l’harmonica à des milliers d’heures de pratique. Une persévérance qui lui a permis de s’adapter à n’importe quelle situation musicale: «Herbie Hancock ne m’a pas choisi parce que je joue de l’harmonica ou parce que je suis sympa. Il m’a pris, car il sait que je peux vraiment jouer sa musique au niveau dont il a besoin.»

L’harmoniciste souligne également l’importance pour réussir d’être «toujours prêt à temps et ne jamais arriver en retard». Ainsi que celle de rester humble et simple en toute circonstance: «Il s’agit de la meilleure manière d’avoir un parcours des plus riches possibles, car on est ouvert à tout ce qui peut se passer. Il n’y a pas de situation où une personne est plus importante que l’autre, sinon les gens se froissent et ça devient vite très compliqué.»

Le 8 juin, le prodige sera de retour chez lui, à Genève, pour un concert à l’Alhambra, dans le cadre du festival Les Athénéennes. Avec le Grégoire Maret Quartet (Romain Collin au piano, Luques Curtis à la basse et John Davis à la batterie), il dévoilera son nouvel album, «Ennio», un hommage au mythique compositeur romain Ennio Morricone.