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David Ruzicka, écrivain et citoyen du monde accompli

Ce jeune auteur basé près de Lausanne vient de publier un bouquin épatant qui mélange le suspense du polar et le sang de l’amour fou. Je le recommande.

Les squatters auront fait mon bonheur estival. A la fin juin, je vous vantais ici-même les mérites de «Une fièvre impossible à négocier» (Flammarion) de Lola Lafon, squatteuse altermondialiste capable de sublimer sa révolte en vraie œuvre littéraire.

Les hasards de l’existence ont fait que je me suis saisi l’autre jour d’une bouteille jetée dans la mer littéraire, le roman de David Ruzicka, jeune auteur désespéré quoique (ou parce que?) citoyen du monde accompli.

En l’occurrence le hasard est une clause de style: Ruzicka a squatté, fin des années 90, une belle maison de Préverenges près de Lausanne, maison où je vécus en commune il y a près de trente ans. A l’époque, le lieu connut déjà une certaine notoriété pour avoir généré un livre «Mao-cosmique» (éditions L’Age d’Homme, 1975) qui prenait douloureusement acte de la difficulté de se projeter dans un avenir radieux.

C’est dans cette maison, construite par Delarageaz, révolutionnaire vaudois de 1845, que Ruzicka a écrit «Personne», édité par Le Presse-Temps, maison d’édition très débutante dont le diffuseur vient de surcroît de faire faillite. C’est dire si la bouteille est fluette et vaste l’océan.

Mais ne ratez pas ce livre. Ne craignez pas de faire le siège de votre libraire ou d’internet. Ce qui m’a plu? De ne plus pouvoir le lâcher une fois les premières pages lues. Eh oui! En matière de roman, j’en suis encore là: mon plaisir avant tout.

Comme le bouquin est dense, les personnages nombreux, insaisissables, voire interchangeables et le propos campé dans une virtualité fuyante ou une irréalité immédiate (c’est selon), je me suis laissé prendre au jeu de cette boucle qui se déroule à l’envers commençant par l’épilogue pour s’achever au prologue.

Une fantaisie d’amateur, un truc de débutant, direz-vous. Peut-être. Mais un débutant à l’imagination d’une fertilité surprenante, un amateur capable de jouer sur tous les registres de l’écriture du poème au journal intime, de l’hyperréalisme à la rêverie. La preuve? J’ouvre le livre au hasard.

Page 49. A Prague, Vlasta se laisse draguer par un inconnu, ils se réfugient dans un bistrot de la vieille ville pour lier connaissance.

Page 119. Aline est au Buffet de la gare de Lausanne, un endroit pas particulièrement choyé par les dieux:

Construit autour de «La philosophie du meurtrier», le livre à venir (qui ne viendra pas) d’un de ses personnages multiformes, «Personne» mélange habilement le suspense du polar, le sang de l’amour fou, le fantastique d’une pensée hallucinée et le faisandé (cela ne m’a jamais branché!) de la science-fiction. Le style — prometteur pour la suite — mériterait d’être plus travaillé, en tout cas d’être dompté, domestiqué.

Il y a des longueurs, mais Ruzicka s’en excuse d’avance, page 227: «Surtout, David, quand tu commenceras, écris jusqu’au bout, jusqu’au vide. Et ne le laisse pas te voler la moindre parcelle de phrase.»

Comment, dans ces conditions, ne pas pardonner? Cette boulimie de mots, cette fringale phrasière inextinguible me rappelle un chef d’œuvre resté méconnu, publié en 1958 chez Julliard, «La Gana» de Jean Douassot. Faute de pouvoir maîtriser la liberté infinie de l’écriture, Douassot s’est ensuite reconverti à la peinture.

La liberté, Ruzicka s’y est frotté. En épigraphe à son prologue (page 305!), n’écrit-il pas:

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On parlera de David Ruzicka en octobre: il a gagné le concours authentic cialis online pharmacy/Maison d’Ailleurs de la nouvelle de science-fiction.

Il est de plus invité, début novembre, au generic cialis de science-fiction de Nantes.