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Poutiniens sans le savoir (ou en le sachant très bien)

Le WEF est devenu un prétexte à tout. Par exemple rappeler à la Suisse, comme l’a fait le secrétaire général de l’OTAN, que sa neutralité militaire faisait le jeu de l’agresseur russe et bafouait le droit international.

Chaque année on se demande à quoi sert Davos et son célèbre forum. Chaque année on n’est pas déçu. C’est sans doute le bon air des Alpes. Les têtes qui s’éclaircissent sous l’effet du froid. Des vérités immaculées comme la neige fraîche y sont donc solennellement prononcées.

Cette fois, c’est un groupe de «millionnaires patriotiques» qui vient réclamer de «payer davantage d’impôts».

Cette fois c’est un activiste bien connu, le secrétaire général de l’OTAN Jens Stoltenberg qui énonce, dans un interview à la SSR, une ou deux petites choses, trois fois rien à propos de l’Ukraine: «J’appelle toutes les nations à contribuer à fournir un soutien militaire à l’Ukraine, car il faut nous souvenir de quoi il s’agit: une agression militaire de la part de la Russie contre une nation souveraine et démocratique en Europe».

Pour ceux qui n’auront pas bien saisi l’enfonçage de cette porte ouverte, Stoltenberg ajoute: «Dans le cas de l’Ukraine, il ne s’agit pas de neutralité. Il s’agit de respecter le droit à la légitime défense, de protéger l’état de droit, et de défendre la charte des Nations unies. Les deux parties ne sont pas à égalité. On parle d’un agresseur, et d’une victime d’une agression. Le droit international est absolument clair là-dessus, le pays agressé a le droit de se défendre».

Présent également dans la station grisonne et président dans la tourmente d’une Confédération impassible, Alain Berset s’est peut-être senti visé. La Suisse en effet ne fait pour l’heure pas partie de «toutes les nations». Elle a, comme on sait, et depuis le début du conflit, refusé à l’Allemagne et au Danemark, puis plus récemment à l’Espagne, la réexportation vers l’Ukraine de matériel militaire de fabrication suisse. Au nom de la loi.

 

 

A noter que l’Allemagne, qui possède une législation toute aussi prohibitive en matière d’exportation de matériel militaire, s’est tranquillement assise dessus depuis le début du conflit, en raison des évidences énoncées par le boss de l’OTAN: démocratie agressée, droit à l’autodéfense. La Suède aussi a très vite su oublier son statut de neutralité.

Mais fabriquer et vendre des armes tout en interdisant qu’on les utilise semble être une spécialité, un summum de business malin dont la Suisse entend bien garder le monopole. Comme si démocratie et autodéfense, notions dont elle se gargarise à journées faites, n’avaient soudain plus aucun sens.

Dans ce contexte on pourra trouver un peu «gonflé» l’ordre adressé par la Confédération, via la DDC (Direction du développement et de la coopération), aux ONG qu’elle soutient financièrement: se couper de tout contact avec la Russie. À quoi l’une des ONG concernée, Caritas, a répondu assez justement travailler «selon les principes humanitaires» et ne pas demander «la nationalité des bénéficiaires de cette aide».

Si quelqu’un dans cette affaire se compromet avec la Russie, ce serait plutôt un Conseil fédéral arcbouté sur une définition étroitement juridique de la neutralité et refusant de voir que ne pas aider militairement l’Ukraine c’est de facto, aider militairement Poutine et son armada de mercenaires, donc ne pas être neutre.

Tout le monde politique suisse n’est pas sur cette même ligne capitularde. La résistance vient principalement du centre droit. Le président du Centre, Gerhard Pfister, a été le premier à accuser le Conseil fédéral de «non-assistance à l’Ukraine». Son homologue du PLR Thierry Burkart lui emboîte aujourd’hui le pas. Deux motions émanant du Centre et du PLR ont été déposées au Parlement en vue de supprimer ou d’assouplir la clause de non-réexportation.

Ce n’est pas gagné. Même si des dissidents existent sur cette question dans chaque parti, notamment des radicaux partisans du statu quo, l’opposition à la livraison d’armes à l’Ukraine vient essentiellement de la gauche et de l’UDC. Ce qui fait du monde.