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La Reine Elisabeth

À part pour les Jurassiens, la question reste posée: faut-il vraiment se réjouir de l’élection de madame Baume-Schneider au Conseil fédéral?

«Des politiciens sympas qui font une politique retorse.» C’est une femme, humoriste cette fois, Marina Rollman, qui a peut-être le mieux résumé la journée du 7 décembre. La double élection du bernois Albert Rösti et de la jurassienne Elisabeth Baume-Schneider est évidemment placée sous le signe si peu politique de la sympathie.

C’est même la seule chose qui unit les deux élus, à part évidemment les liens compliqués et historiques entre leurs cantons respectifs. Les deux apparaissent comme épouvantablement sympathiques, et il semble que ce trait de caractère n’ait pas compté pour rien. «La candidature au Conseil fédéral la plus joyeuse depuis Adolf Ogi», s’est même enthousiasmée la peu rigolote NZZ à propos de la Jurassienne.

À l’inverse, sa concurrente bâloise Eva Herzog a été unanimement décrite comme «froide», «peu chaleureuse», «distante», «austère» même. Et c’est un autre quotidien alémanique, le Blick, qui l’assure: dans une course au Conseil fédéral «l’aspect humain compte plus qu’on ne le pense», surtout quand l’élection a lieu, comme c’est le cas, à bulletins secrets.

Ce qui explique le peu d’empressement entre les tours de scrutin, et à quelques exceptions près, des parlementaires de tout bord à confesser quel nom ils s’apprêtaient à glisser dans l’urne. Bref Eva Herzog a peut-être été victime du vieux syndrome «porte de grange».

Évidemment, quand il est dit de quelqu’un qu’il est «sympa», on ne sous-entend pas forcément qu’il soit aussi très malin. Et c’est là que l’aspect retors deviendrait presque rassurant. Pour Albert Rösti, la cause semble entendue. Sa réputation ne date pas d’hier: aimable sur la forme, dur sur le fond. S’agissant d’Elisabeth Baume-Schneider l’affaire est moins claire, surtout si l’on cherche à comprendre d’où sont venus ses soutiens.

Il semblerait en effet que la Jurassienne ait été majoritairement plébiscitée d’abord dans ses propres rangs, où l’on trouvait Herzog trop à droite, ainsi que dans le groupe UDC, sans doute séduit par le côté fille de paysan d’Elisabeth Baume-Schneider, issue d’un canton périphérique, face à la très urbaine bâloise. Mais aussi, on n’en sort pas, grâce à son côté «sympa», des élus UDC avouant, sous un prudent anonymat, préférer plutôt «travailler avec une personne qu’avec un congélateur».

Seul le PLR semble n’avoir pas été convaincu par la native des Breuleux, jugée «trop dans l’émotion». Changeant d’ailleurs de registre, la NZZ vend un peu la mèche: «Eva Herzog était une candidate au-dessus du lot: pragmatique, compétente et très indépendante, notamment vis-à-vis de son propre groupe. Et pour certains membres du camp bourgeois, elle était trop forte.» Ce qui revient à suggérer crûment que si Elisabeth Baume-Schneider a été élue, c’est parce que la droite ne souhaitait pas voir le PS disposer au Conseil fédéral d’une trop bonne représentante.

Bien sûr, on peut, plus naïvement, s’enthousiasmer et voir dans l’élection d’Elisabeth Baume-Schneider le triomphe de toutes les minorités malmenées: des femmes contre les hommes, des pauvres contre les riches, des campagnes contre les villes, des Romands contre les Suisses-Allemands.

N’empêche ce choix n’a été possible que par la bonne volonté de la majorité alémanique autorisant le remplacement d’une germanophone par une francophone. Ce qui émeut naturellement le Quotidien Jurassien, soulignant «la générosité démocratique de la Suisse allemande».

On retrouve donc ici la sympathie. Contrairement à ce persiffle souvent le Café du commerce, la minorité latine a bien de la chance d’être sous la coupe d’une majorité germanophone somme toute bienveillante et qui prend soin de ne pas être le bulldozer qu’elle pourrait être.

Sauf que là encore, sous l’amabilité pointe le soupçon de la ruse. De nombreux analystes laissent entendre que tout cela n’a été que sordide calcul: la provisoire majorité latine installée au Conseil fédéral permettra, entre autres bénéfices, aux Alémaniques d’écarter d’emblée, lors de la succession d’Alain Berset, le dérangeant poids lourd Pierre-Yves Maillard. Sans compter que ce précédent pourrait être invoqué un jour pour élire une écrasante majorité alémanique sous la coupole.

L’autre bilan, pour finir, que l’humoriste Marina Rollman tire de sa journée passée à Berne où l’avait envoyée le quotidien Le Temps, c’est le «professionnalisme» de parlementaires capables «de déballer leurs éléments de langage, même avec cinq coups dans le nez».

Reste à savoir si c’est bien ce professionnalisme et ce sang froid qui ont été à l’œuvre au moment du vote.