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Dans le béton jusqu’au cou

Tous les critères sont bons pour discréditer un candidat au Conseil fédéral. Sauf l’incompétence.

C’est donc à Hérémence, vaillante et pentue commune du val des Dix, célèbre pour son église et son barrage tous deux coulés dans le béton, et pour son exécutif, le seul du Valais où l’UDC soit majoritaire, qu’ont été désignés les deux candidats agrariens au Conseil fédéral.

Barrage, c’est aussi ce qu’entendent faire les Verts contre un des deux prétendants, le favori Albert Rösti. Il faut dire que dans l’univers mental écologiste, le candidat Rösti fait figure de repoussoir. Un sorte d’épouvantail coiffé de casquettes plus provoquantes les unes que les autres, puisque le vilain monsieur apparait comme un défenseur pugnace de l’énergie nucléaire, de l’automobile et du pétrole. C’est donc à la fois au feu et au fou que crient les Verts, à l’image de leur président Balthasar Glättli: «Le lobby pétrolier porte un nom: Rösti.»

Les Verts proclament d’autant plus leur préférence pour le concurrent de Rösti, que le Zurichois Hans-Ueli Vogt est connu pour ses positions moins rigides sur les sujets de société, genre mariage pour tous. Or, avec la défense de l’environnement, le progressisme sociétal est la seule chose qui semble intéresser les Verts, à l’instar, dans une moindre mesure, de leurs cousins PS. Bien plus en tout cas que le sort des plus démunis, qui ne pensent bêtement qu’à se chauffer, se déplacer et s’éclairer à bon marché.

On retrouve à droite le même travers consistant à juger un candidat au Conseil fédéral non selon ses capacités à endosser la fonction, mais sur sa concordance idéologique avec ses propres obsessions. Quel est en effet le seul argument que trouve le PLR contre la tentative de la Jurassienne Elisabeth Baume-Schneider de se glisser sur le ticket socialiste pour la succession de Simonetta Sommaruga? Que ce siège-là est et doit être, de toute éternité, absolument alémanique.

Là, le béton est encore plus épais, puisque ce ne sont pas seulement les capacités éventuelles de la candidate qui sont passées à l’as, mais aussi ses convictions personnelles, pour ne plus se focaliser que sur un point dérisoire: sa provenance géographique. On aurait peut-être compris si la prétendante s’était appelée Elisabeth Tailleuse d’Arbres.

Ces critères rigides jusqu’à l’absurdité pour soutenir ou non un candidat apparaissent comme d’autant plus vains que la seule façon pour peser et se maintenir au Conseil fédéral, cela est bien connu et a été démontré cent fois, est de laisser ses convictions, intérêts personnels et origines dans l’entrée.

Outre leur rigidité, ces critères peuvent aussi être soupçonnés d’hypocrisie. Est-ce vraiment parce qu’Elisabeth Baume-Schneider est romande que le PLR ne veut pas en entendre parler? Ou parce qu’elle est, économiquement parlant, moins libérale qu’Eva Herzog, et moins sécuritaire qu’Evi Allemann, les deux favorites? En cherchant bien, on trouvera sûrement qu’Elisabeth Baume-Schneider a du militer durant quelques jours, il y a quelques décennies, au sein de la défunte LMR (Ligue Marxiste Révolutionnaire).

Reste que les partis n’ont pas le monopole du biais idéologique dans le choix des candidats au Conseil fédéral. Vous, moi et la société civile faisons pareil. C’est ainsi que le pauvre Rösti, pour en revenir à lui, voit se dresser un «appel citoyen» contre sa candidature. Signé par des personnalités aussi diverses qu’honorablement connues, comme l’inusable prix Nobel Jacques Dubochet, l’excellent écrivain Daniel de Roulet, le frétillant humoriste Thomas Wiesel ou le très médiatique universitaire Dominique Bourg.

Avec toujours le même argument: «La possible accession au gouvernement d’un lobbyiste du pétrole et de l’automobile est un motif majeur d’inquiétude.» Et un seul mot d’ordre: Albert, laisse béton.