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Genève en théâtre de violence urbaine

Dimanche, les casseurs et les pillards ont volé la vedette aux manifestants pacifiques. Les badauds ont profité du spectacle. Reportage.

C’était un week-end idéal pour les vidéastes amateurs. Une ville repeinte en garnison jaune vif, des flambées de violence avec vitrines fracassées et magasins saccagés, des ponts assiégés, des révolutionnaires encagoulés, des casseurs en pleine forme physique et des alignées de robocops avec boucliers en plexiglass et canons à eau. Il est rare que l’actualité genevoise fournisse pareil spectacle de guerilla urbaine. On n’avait plus vu ça depuis, disons, 1998 et les manifs anti-OMC. Un vrai feu d’artifice, avec gyrophares bleutés, ronronnement des hélicoptères et violence réelle.

Les apprentis cinéastes (« chérie, je vais tester ma nouvelle caméra DV») ne s’y sont pas trompés: de jeudi à samedi, ils sont descendus en ville par dizaines pour immortaliser les pacifiques palissades jaunes; et le dimanche, ils sont revenus filmer toutes les autres vitrines, celles qui n’avaient pas été protégées et qui, dans la nuit, ont été systématiquement saccagées.

Les plus chanceux d’entre eux ont également pu filmer sur le vif l’attaque du magasin Lacoste, à l’angle de la rue du Rhône et de la place de la Petite Fusterie. Les caméramen amateurs y étaient presque aussi nombreux que les pillards. Vers 18h30, une bonne douzaine d’adolescents se sont servis d’une canne de golf pour briser la vitrine du crocodile. Ils sont entrés et se sont abondamment servis de vêtements, totalement insensibles aux sifflets et aux insultes de la foule qui les regardait faire. Quelques journalistes étaient aussi présents, dont moi.

Les casseurs se sont emparés d’un mannequin en plastique, qu’ils ont démembré pour s’en servir comme d’un marteau, avec lequel ils ont fracassé les autres vitres. Certains d’entre eux ont fourré leur butin dans leur sac à dos et sont restés là, toujours indifférents aux nombreux vidéastes du dimanche qui filmaient la scène comme un show de télé-réalité.

Une jambe du mannequin a été récupérée par un père de famille, qui montrait les pillards à son fils de 8 ans. «Ils viennent de Meyrin», a dit une dame. «C’est la racaille des banlieues françaises», a dit un jeune homme. Les forces de l’ordre sont arrivées un quart d’heure plus tard, pour recevoir les cailloux et bouteilles vides que leur lançaient les pillards.

Un peu ridicules, les policiers sont repartis dans leurs fourgonnettes Mercedes baptisées Pompon, Peppone, Rourou et Pingu. Ces surnoms avaient été inscrits par la police sur les véhicules, pour des raisons d’organisation sans doute.

De nombreuses scènes du même type ont eu lieu à Genève ce week-end, notamment à l’hôtel des Finances et à l’Usine. Comment en est-on arrivé là?

Dimanche soir, la Télévision suisse romande a voulu expliquer que manifestants et vandales formaient deux groupes hermétiquement distincts. D’un côté les gentils militants, de l’autre les méchants casseurs sans idéologie. La réalité est un peu plus complexe. Car entre ces deux catégories s’en trouve évidemment une troisième, composée de manifestants ouvertement violents, qui militent et qui cassent.

Apparemment, les dégâts ont commencé du côté du Bon Génie samedi vers 23h10. Quelques caméras amateurs ont pu saisir sur le vif les actions désordonnées des guerilleros, les cocktails molotov dans la vitrine de H&M, les bris de glace (chez Bailly, Payot et la plupart des autres magasins non-protégés des rues basses), l’intervention tardive des policiers en rangs d’oignons et le bouclage du quartier (sans oublier l’arrivée des premiers vitriers, avant minuit — pas de doute, nous étions bien en Suisse).

«Toute la semaine, je me suis gentiment moquée de ces commerçants qui barricadaient leurs magasins, raconte Katharina, propriétaire d’une boutique branchée rue du Perron. Je trouvais ça hystérique. J’ai révisé mon jugement quand ils ont cassé ma vitrine sous mes yeux.» La propriétaire a passé la nuit dans son magasin pour le protéger des pillards.

Vers 23h30, une spectatrice qui sortait de «Matrix Reloaded» n’en croyait pas ses yeux: après avoir constaté que les vitres de Genève présentaient les mêmes impacts de projectiles que celles du film, elle est allée chercher sa voiture et l’a trouvée avec une glace fracassée. Sa vieille Micra rouge n’avait pourtant rien d’un symbole de l’oppression capitaliste.

Un peu partout, l’attitude très retenue des forces de l’ordre a étonné les badauds. «Les flics se la jouent volontairement profil bas, pour éviter que ça dérape dimanche en représailles», a dit l’un d’eux. «C’est stratégique», a ajouté sa voisine.

Cette explication, on l’avait entendue dès la première manif de vendredi — un rassemblement illégal avec beaucoup de bris de glace mais peu de militants. La cible désignée n’avait effectivement pas de quoi enflammer les foules: l’cheapest cialis super active. Vous ne savez pas ce qu’on lui reproche? Les manifestants interrogés non plus, ce qui n’a pas empêché les plus violents d’entre eux de lui fracasser quelques vitres, sous l’œil ahuri (et toujours les camescopes) des nombreux spectateurs. Mais là aussi, les forces de l’ordre sont restées en retrait et le gaz lacrymogène a été rapidement dissipé.

Le summum de l’absurde avait été atteint quelques minutes plus tôt, quand les premiers cailloux ont percuté la façade de l’Organisation météorologique mondiale. Plus d’une dizaine de baies vitrées de ce bâtiment-paquebot situé près des voies CFF ont été trouées. «Et pourtant, il fait beau et chaud, il n’y a pas de quoi se plaindre», a plaisanté un spectateur. Un peu plus loin, certains militants ont hurlé «Poutine assassin» en lapidant la Mission de Russie.

Toujours sous le soleil, les casseurs se sont rapidement mêlés à la foule (ils ne portaient pas de déodorant, une manifestante s’en est plaint…). L’Hôtel Intercontinental a échappé à leurs violences, mais toute la façade vitrée d’un garage Amag a été pulvérisée par des cailloux et des marteaux, sous les applaudissements d’un jeune homme manifestement perturbé. Même scénario devant un bâtiment anonyme de la rue de Montbrillant. Avec, à chaque fois, la police qui arrivait en queue de peloton. On peut se demander maintenant si les caméras DV des badauds vont être réquisitionnées pour l’identification des vandales.

Les manifestants ont appris plus tard qu’un seul casseur avait été arrêté lors de cette première manif. Conséquence: un conseil de crise a eu lieu samedi en début d’après-midi dans le camping anarchiste d’Annemasse, sous un chapiteau surchauffé par le soleil. Fallait-il ou non partir à la rescousse de ce camarade emprisonné? «Il faut y aller», a décidé l’assemblée à l’issue d’un débat, en anglais et en français, qui est resté très policé.

Le lendemain, la plupart d’entre eux défilaient tranquillement entre Genève et Annemasse, en militant pour l’annulation de la dette des pays pauvres, l’agriculture à dimension humaine, la régulation des flux financiers et le maintien des services publics. Combien étaient-ils? Entre 50’000 et 100’000. Pour en savoir plus cliquer cialis price in lebanon.