KAPITAL

Demain dans vos téléphones: une pile à hydrogène

Le Powerpac, conçu à l’école polytechnique de Zurich, produit de l’énergie et ne rejette que de l’eau. Cette technologie suisse intéresse les grands constructeurs.

Ce produit suisse tient dans une petite valise et intéresse plusieurs sociétés d’envergure mondiale. Le Powerpac, c’est son nom, peut produire jusqu’à 2000 watts grâce à une pile à combustible. Il génère de l’électricité en associant l’oxygène contenu dans l’air à de l’hydrogène. Avec 2 litres d’hydrogène, il fonctionne pendant trente minutes et ne rejette que de la vapeur d’eau.

Construit par l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich en collaboration avec l’Institut Paul Scherrer et des partenaires industriels, le Powerpac a été présenté la semaine dernière à la Foire de Hanovre, qui réunit chaque année les techniques les plus innovantes et les tendances de demain. Il a déjà été primé comme «technologie prometteuse» par le Swiss Technology Award, décerné par le Secrétariat d’Etat à l’économie et les directeurs cantonaux de l’Economie publique.

«Nous avons constaté un grand intérêt des industriels qui redoutent de manquer le virage hydrogène, se réjouit Daniel Schmid, l’un des ingénieurs de l’équipe du professeur Felix Büchi à l’ETHZ. Et même si le passage d’un prototype comme le nôtre à une véritable production coûte encore très cher, je suis surpris de voir que quelques spécialistes sont déjà prêts à utiliser cette technique.»

En pratique, le Powerpac est capable d’alimenter toutes sortes d’appareils, de la tondeuse à gazon à la perceuse, en passant par la chaise roulante. Mais, dans un deuxième temps, il se destine aux appareils électroniques, étant silencieux et économe, avec de très bons rendements. L’usage, à petite échelle, de piles à combustible commence à intéresser certains constructeurs. Dont Toshiba, qui voit en lui une alternative viable aux batteries chimiques pour alimenter ses ordinateurs portables.

Motorola et le Laboratoire national de Los Alamos aux Etats-Unis préparent, de leur côté, l’étape suivante, soit la miniaturisation qui permettra aux téléphones portables de bénéficier de cette source d’énergie. «C’est probablement la plus grande chance pour le développement à court terme des piles à combustible, poursuit Daniel Schmid. L’usage d’une cartouche de carburant bon marché présente des avantages par rapport aux batteries, lourdes et chères, qu’on doit recharger soi-même.» Fini la recharge: en faible voltage, la durée de vie d’une batterie à hydrogène pourrait dépasser de plusieurs années celle d’un téléphone mobile.

Le secteur automobile s’intéresse aussi de très près à l’énergie hydrogène. Les constructeurs consacrent une part croissante de leurs recherches à de telles piles à combustible. «Pour ce qui est de ce secteur, il reste des problèmes à régler, comme le volume qu’occupe l’hydrogène dans un réservoir, sans parler de son inflammabilité, relativise Daniel Favraz, directeur de l’Institut des sciences de l’énergie à l’EPFL. Et ce gaz coûte si cher à fabriquer, que même si l’on augmentait le prix du carburant par deux, je ne suis pas sûr qu’il deviendrait rentable dans les vingt prochaines années. Cela dit, l’augmentation générale du prix de l’énergie permettra à d’autres techniques de s’imposer, comme le gaz ou l’hydrogène.»

Le fait que la production de masse de tels véhicules reste une musique d’avenir laisse une fenêtre d’opportunité intéressante au Powerpac, qui entend occuper le terrain d’ici là. «La Suisse est à la pointe de la recherche, nous sommes au moins dans le top 5 mondial, affirme encore Daniel Schmid. Mais notre avantage a été de concevoir un système qui réduit les coûts de fabrication. Nous ne sommes bien sûr pas les seuls dans ce domaine, mais, même si DaimlerChrysler a déjà travaillé sur ce type de piles, nous avons pu ajouter quelques brevets intéressants et rendre le Powerpac attrayant pour les industriels.»

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La révolution hydrogène

La fin du pétrole annonce une nouvelle révolution économique. C’est la thèse défendue dans le dernier ouvrage — «L’économie hydrogène» — de Jeremy Rifkin, économiste américain rendu célèbre par son livre «La fin du travail».

Rifkin se base sur le constat alarmiste de scientifiques qui prévoient une crise majeure d’approvisionnement en pétrole dans les quinze à trente prochaines années. Brillamment étayée, la thèse fait froid dans le dos. La demande en pétrole augmente sans cesse, alors qu’il devient de plus en plus difficile d’accéder à de nouvelles nappes. Les quelque décennies qui nous séparent de l’apocalypse énergétique devraient donc être mises à profit pour préparer un nouveau modèle, dont le candidat semble tout trouvé: l’hydrogène.

Mais l’hydrogène doit être extrait, de l’eau par exemple, à grand renfort d’énergie. Fabriquer ainsi son carburant, au lieu de le pomper sous terre comme le pétrole, change sa raison d’être. Il devient ainsi un moyen de stocker l’électricité produite par d’autres sources, comme les éoliennes ou les centrales nucléaires. En raison de ces complexités, les scientifiques les plus optimistes placent très loin toute viabilité à grande échelle de ces systèmes.

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Une version de cet article de Largeur.com a été publiée le 27 avril 2003 dans l’hebdomadaire Dimanche.ch.

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