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L’été de tous les périls

Après les vagues de covid, celles de chaleur. Après l’Ukraine, Taiwan. Impossible d’éviter, surtout dans les têtes, les grosses montées de température.

Après les vagues de covid, les vagues de chaleur. Toutes soigneusement numérotées. Sans oublier les vagues migratoires un peu sorties des radars pour l’instant, mais dont le flux ne semble pas vouloir se tarir. Le monde devient donc de plus en plus «vagues». À moins que ce ne soit qu’un tic médiatique. Ou un lapsus freudien, à l’heure où l’eau pourrait venir à manquer.

L’avantage avec les vagues actuellement les plus médiatisées, celles de chaleur, c’est qu’on peut leur mettre à peu près tous les dysfonctionnements sur le dos. Comment, en effet, ne pas imaginer que le soleil devait taper bien fort sur les têtes des gardes-faunes valaisans ayant enfin obtenu l’autorisation confédérale d’abattre un loup, et qui se sont trompés d’animal, dézinguant une bête qui n’aurait pas dû l’être? Même si, évidemment, rien ne ressemble plus à un loup qu’un autre loup.

Soyons juste, les vagues de chaleur stimulent aussi la créativité. C’est au plus fort de la canicule qu’émerge l’idée, dans un avenir qui risque d’être bien proche, de ne plus utiliser l’eau des barrages que pour la production d’électricité, mais aussi pour l’irrigation et même comme eau potable.

Les questions économico-politico stratégiques aussi deviennent de plus en plus floues, pour ne pas dire vagues. Après «Peut-on se passer du gaz russe?», voici, plus légère, plus estivale, «Peut-on se passer des touristes russes?». La réponse paraît être oui, si l’on en croit les chiffres, puisque le vacancier russe représente un tout petit 1% des nuitées étrangères en Suisse. À peine une vaguelette.

Certes, ces nuitées ont souvent pour cadre des Cinq ou des Quatre étoiles -pour les petits joueurs- et si monsieur et madame Popov et leurs enfants dépensent en moyenne chez nous largement plus que le vulgum pecus – 250 francs par jour, contre 165 – ils sont encore loin de pouvoir humilier les gloutons asiatiques ou américains – de 270 à 330 francs, et surtout les touristes dit du Golf – 420 francs. Pas de quoi pourtant pour la Suisse suivre l’exemple de la Tchéquie et des Pays baltes qui ont décidé de ne plus délivrer de visas touristiques aux ressortissants du goulag poutinien.

D’autres vagues agitent le monde, celles par exemple du détroit de Taïwan. Surtout après le périple un brin provocateur de la speaker du congrès Nancy Pelosi, femme de tête qui pendant les quatre ans de trumpisme n’avait de cesse de dénoncer l’aventurisme et l’infantilisme du président. À chacun donc ses caprices et ses fantaisies.

Au courant que les voyages de parlementaires suisses à Taïwan, et vice-versa, était une tradition, interrompue par le Covid mais sur le point de reprendre, l’ambassadeur chinois en Suisse, Wang Shiting ne pouvait laisser passer l’occasion de remettre les coucous à l’heure. En disant son espoir que la Suisse saura «poursuivre le respect du principe d’une seule Chine» et ainsi, «distinguer le vrai du faux».

Il faut prendre évidemment, comme on dirait au Café du Commerce, cela d’où ça vient. Impossible évidemment de rétorquer à l’honorable monsieur Wang, même diplomatiquement, que du point occidental, certes très étriqué et à même de faire rougir Lao Tseu, Confucius et Sun Tzu réunis, distinguer le vrai du faux se résume souvent, ou devrait se résumer, à distinguer la démocratie de l’autocratie. Et qu’à cette aune il existe bien, de facto, deux Chine.

Oui, impossible de le dire, puisque la Suisse, comme la plupart des Etats membres de l’ONU, a adopté depuis longtemps, vis-à-vis de la Chine, une politique dite de l’ambiguïté stratégique: soutien à Taiwan d’un côté et réaffirmation, de l’autre, du principe de la Chine unique. Une ambigüité qui pourrait se résumer par un slogan plutôt aride: surtout pas de vagues.