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Façonner la Suisse à l’étranger

Nicolas Bideau a pour métier de gérer l’image de la Suisse sur la scène internationale, quand il ne cultive pas son jardin potager lausannois. Rencontre.

«Mon métier, c’est d’être le gardien de l’image de la Suisse.» La tâche ne l’intimide pas, lui qui a enchaîné les postes à responsabilité dans des secteurs clés du pays. Né à Prague dans un foyer d’artistes, d’une mère metteuse en scène et d’un père comédien, il grandit à Genève, puis étudie à Lausanne avant de plonger dans la politique fédérale. En 2003, il est le conseiller de Pascal Couchepin durant sa présidence. De 2005 à 2010, il prend les rênes de la section cinéma à l’Office fédéral de la culture. Depuis 2011, il est à la tête de Présence Suisse, l’unité responsable de la promotion de l’image de la Suisse à l’étranger. Malgré son emploi du temps chargé, il a pris le temps de se raconter au fil de nos questions. Nicolas Bideau revient sur ses études à Lausanne et insiste sur son attachement à la capitale vaudoise. L’ambassadeur de 52 ans évoque sa carrière et les défis qui accompagnent son métier.

Concrètement, en quoi consiste votre activité à la tête de Présence Suisse ?

Nicolas Bideau: Je suis diplomate et je gère les relations publiques de la Confédération à l’extérieur du pays, sur la scène internationale. Mon job est d’agir comme le gardien de l’image de la Suisse, une tâche qui comprend deux facettes. D’une part, je m’occupe de conserver ce qui fonctionne pour la Suisse, soit ce dont le pays dispose déjà en termes de perception positive hors des frontières. Pour citer quelques exemples, je parle ici de nos paysages lacustres et montagneux, de notre industrie agroalimentaire – avec le fromage et le chocolat en tête – ou encore des secteurs de l’horlogerie et de l’hôtellerie. D’autre part, mon activité consiste parfois à défendre l’image de la Suisse, notamment lorsqu’elle est écornée.

Quels sont ces cas de figure où l’image positive de la Suisse est atteinte ?

Par exemple, il arrive que divers médias étrangers mentionnent des scandales financiers liés à notre pays. Lorsque cela se produit, il est nécessaire de déployer une stratégie de communication hors des frontières. Si les faits qui dérangent sont avérés, on ne peut évidemment pas les nier. Alors pour y répondre, je vais tenter de repositionner la Suisse à l’extérieur du pays en communiquant sur les aspects positifs qui caractérisent aussi le secteur bancaire helvétique. Cela peut passer par l’organisation de conférences et d’événements à l’étranger sur des domaines en plein essor dans le pays, comme la finance durable ou encore la fintech.

Et lorsqu’il s’agit de promouvoir la Suisse à l’étranger, que mettez-vous en avant ?

La Suisse, c’est beaucoup de clichés que l’on connaît. J’évoquais le fromage, le chocolat, l’industrie du luxe et les stations de ski… S’il est important de communiquer sur ces aspects, la partie la plus intéressante de mon job, c’est de faire découvrir des facettes moins connues de notre pays, notamment dans le secteur de l’innovation. Je construis des histoires et fais sortir de l’ombre les secteurs dans lesquels la Suisse se démarque. Ces dernières années, j’ai pu positionner la Suisse dans le domaine des drones*, car elle y excelle. Mais ça, peu de gens le savent !

La pandémie a-t-elle modifié la façon de présenter le pays hors des frontières ?

Présence Suisse a connu des changements de différentes natures. À l’image du reste de la société, nous avons amélioré nos capacités à maîtriser le digital. Il a surtout été question de pouvoir assurer nos conférences et événements en ligne. Mais au-delà des aspects plus techniques, nous avons investi un nouveau terrain en parlant davantage de médecine et de santé. Sur la scène internationale, nous avons insisté sur le fait que des vaccins sont élaborés chez Lonza, en Valais, ou encore que l’entreprise helvétique Roche fabrique des tests antigéniques. L’idée, c’est de valoriser tout ce qui est produit en Suisse et que le monde entier peut considérer comme une solution, un remède à la pandémie.

L’Exposition universelle s’est tenue à Dubaï d’octobre 2021 à mars 2022. La présence de la Suisse, avec son propre pavillon, marquait-elle une étape importante ?

Dubaï a été un projet fort, des dizaines de milliers de personnes se sont rendues tous les jours à l’Exposition universelle. Le but de notre présence était de susciter des émotions positives dans le Golfe – une région importante pour la Suisse – alors que les gens ne s’arrêtaient souvent pas plus de dix minutes dans un pavillon. Cette année, pour la première fois, nous avons joué sur un côté «bling-bling» avec une entrée structurée autour de miroirs et d’un tapis rouge. Avec mes équipes, nous étions habitués à vendre la Suisse de manière modeste, mais là, j’ai décidé de changer de stratégie. Il faut savoir être dans l’air du temps et réussir à s’inscrire dans l’esprit de Dubaï. Aujourd’hui, connaissant les chiffres de fréquentation du pavillon et l’impact business, je peux dire que notre concept a fonctionné.

Votre fonction l’oblige, vous voyagez souvent aux quatre coins du globe. Qu’est-ce que vous souhaiteriez emporter dans vos valises lorsque vous partez à l’autre bout du monde ?

J’aurais envie de répondre Lausanne. C’est une ville où l’on peut rapidement changer du tout au tout en termes de rythme, de mode de vie et de paysage. Lausanne est à trente minutes de la montagne et à quelques pas du lac. Chaque fois que je suis dans une grande ville à l’étranger, que ce soit New York ou Dubaï, il faut faire des heures de trajet avant de pouvoir s’évader. Pouvoir vite changer de décor, cela me manque énormément. Si je le pouvais, j’emporterais cette faculté-là avec moi !

Vous semblez avoir une attache particulière avec la capitale vaudoise. Quel a été votre premier contact avec la ville ?

J’ai obtenu ma licence en sciences politiques à l’Université de Lausanne dans les années 1990. Mon premier contact a donc été via mes études, mais surtout à travers la culture. Je me suis retrouvé au coeur d’une vie estudiantine forte, avec une ville qui vibrait – et vibre encore – grâce à la richesse d’un milieu culturel en résonance avec le monde universitaire. Étudiant, j’ai pris part à ce foisonnement culturel et étais actif au sein de l’association Zelig de l’Université. Dans ce cadre, j’ai organisé des fêtes et programmé des concerts ou des pièces de théâtre. Ces expériences m’ont influencé pour la suite de mon parcours, elles m’ont apporté une vision axée sur la diversité des cultures.

Quels sont les autres aspects de la ville qui vous plaisent ?

J’y ai des attaches essentielles, mes trois enfants y sont nés, mes amis y habitent et j’y ai acheté une maison avec ma femme Florence. En quelque sorte, je peux dire que je vis et mange lausannois, car j’ai même un petit potager. Et comme je l’ai déjà mentionné: l’offre culturelle est forte. J’habite à quelques pas du pôle muséal Plateforme 10, un lieu qui monte en puissance. Un autre aspect génial, c’est que « Lausanne Ville Olympique », ce n’est pas un slogan mais une réalité. L’offre sportive est variée et accessible. Je fais moi-même beaucoup de sport dont du triathlon, alors vivre dans une ville en pente et proche du lac, c’est parfait !

Vous êtes l’ancien Monsieur Cinéma du pays et votre père est acteur. Quelle est la place de Lausanne dans le monde du septième art ?

Lausanne, c’est une ville faite pour le cinéma ! Tout d’abord, son ouverture sur le lac, les montagnes et le ciel en font une ville idéale à filmer, la capitale des contrechamps et contre-plongées ! Puis elle est la mémoire du cinéma, avec l’une des cinémathèques les plus pointues au monde, sans oublier des salles mythiques comme le Capitole, le Bellevaux ou le Zinéma. Le cinéma aime Lausanne. La preuve ? Le fameux acteur Vincent Perez lui a dédié un festival, les Rencontres 7e Art.

Votre prochain défi ?

L’un de mes futurs projets résonne particulièrement avec Lausanne : une Maison suisse pour les Jeux Olympiques de Paris en 2024. Une étape capitale, car ce seront sans doute les premiers Jeux qui se dérouleront, on l’espère, sous le signe d’un retour à la normale. Et surtout, on sera presque à la maison. Paris, c’est francophone, c’est à côté, je compte bien y jouer la carte «Lausanne olympique et culturelle».

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Ses adresses:

Le Café du Simplon (Rue du Simplon 17), Lausanne: «Le bar le plus sympa de Lausanne avec sa déco design, son ambiance tranquille et ses excellentes bières. Il est super bien placé, à deux pas de la gare. C’est un peu mon 2e bureau.»

Vidy «On y trouve la plage la plus dingue de Lausanne. Elle est ouverte au public et située derrière le Théâtre de Vidy, un peu cachée par des cabines vintage, habitée par une faune bigarrée et fidèle. Elle offre une vue imprenable sur le Gramont. C’est tout simplement une invitation à la baignade et à l’échappée.»

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Une version de cet article réalisé par Large Network est parue dans The Lausanner (n° 9).