CULTURE

Le goût de l’aventure

Chaleur et ennui imprègnent les photos prises par un mercenaire suisse au Yémen. Le photographe François Wavre en a hérité et décide aujourd’hui de les partager dans Météore.

Une version de cet article réalisé par Large Network est parue dans le magazine photographique Météore.

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«Il y a un côté presque adolescent à ces quêtes de mercenaires. Souvent, ils s’engageaient sur un coup de tête, pour changer d’air. La guerre était leur manière de partir à l’aventure.» François Wavre ne cache pas sa fascination pour l’histoire. Il présente, par ces photos datées, une tranche de vie, un aperçu de l’expédition d’un Suisse qui a quitté son quotidien le temps d’une parenthèse dans le désert. Inspirés par Lawrence d’Arabie, les mercenaires plissent leurs yeux face au désert.

S’il préfère taire son nom, François Wavre a reçu ces clichés d’un vieil ami, «un personnage de roman aux multiples vies qui m’a toujours beaucoup inspiré». Avec lui, il débattait littérature et politique. L’ancien mercenaire lui offre alors ses souvenirs, en format diapositive. François Wavre a minutieusement numérisé chacune des images, respectant le format et le pourtour des diapositives. Il découvre ainsi des clichés teintés au grain précieux des temps passés.

Prises pendant la guerre civile des années 1960 au Yémen – qui opposait les royalistes et les opposants républicains soutenus par l’armée égyptienne –, les photographies montrent un groupe de mercenaires engagés du côté du roi. Campement, jeux, entraînements dérisoires, ces soldats sous contrat semblent largement s’ennuyer. «Ils se battaient assez peu, en réalité. Ils tuaient le temps plus que leurs ennemis !»

Ce mercenaire a également partagé son récit dans les journaux de l’époque: La Suisse, Le Figaro, la Tribune de Genève. Il raconte sous pseudonyme son quotidien et livre son analyse du conflit, des coutumes locales aux manœuvres de pouvoir. Mais qui sont ces mercenaires ? «Ces hommes qui ont choisi l’aventure – et pour cela servant n’importe quel maître», racontait le mystérieux soldat dans La Suisse en 1967. «Il y a un côté fascinant, presque romanesque à ces jeunes hommes de l’époque qui, pour vivre l’aventure, n’hésitaient pas à mettre leur vie dans la balance.»

Question directe: Vos photos permettent-elles de voir la guerre ?

François Wavre: «D’après tous les témoignages et les récits, chaque guerre se compose d’une grande partie d’attente. À l’armée, on dit : “Courir pour attendre, attendre pour courir.” À la guerre, c’est identique. La plupart du temps, il ne se passe rien et, d’un coup, il y a de l’action, mais elle est en général brève. Ces clichés le montrent bien: les mercenaires semblent en colonie de vacances, ils jouent avec les armes et leurs camarades. Ils attendent, une mission ou une permission, des ordres venus de loin, un événement qui interrompra la routine.»

FRANÇOIS WAVRE, SUISSE

Né en 1977, François Wavre est un photographe passionné d’histoire. Cofondateur de l’agence Lundi13, il s’intéresse notamment au rapport au corps, au contraste de la vie et de la mort. Il travaille actuellement sur un nouveau projet intitulé Peep-o-maton.