Deux ans de crise sanitaire ont entraîné de profonds changements dans le rapport au travail. Deux observateurs avertis, la consultante RH Dominique Ben Dhaou et le professeur associé à HEC Lausanne Benjamin Mueller, expliquent les cinq pièges de management à éviter en 2022.
Une version de cet article réalisé par Large Network est parue dans PME Magazine.
_______
- Le retour au 100% présentiel
Nombreux sont ceux qui ont fait l’expérience du télétravail lors des deux dernières années: cette pratique a été adoptée par près de 34% de la population active en Suisse en 2020, selon l’Office fédéral de la statistique (OFS). Alors que la sortie de crise est en cours, une tendance à la flexibilisation du lieu de travail se dessine. «Le confinement a fait remarquer que non seulement le travail à domicile était une alternative envisageable mais qu’en plus, dans la plupart de cas, elle fonctionnait très bien, explique Dominique Ben Dhaou, consultante en ressources humaines et fondatrice de Point North à Genève. Le management doit s’adapter en conséquence, au risque de ne plus satisfaire le personnel.»
Le professeur associé à HEC Lausanne Benjamin Mueller fait le même constat, mais remarque cependant que de nombreux employés optent pour un retour aux vieilles habitudes lorsqu’ils en ont la possibilité. «Le télétravail a été perçu par beaucoup comme le seul moyen de s’adapter dans l’urgence à une situation de crise. Pour eux, le retour au présentiel peut être vécu comme un soulagement.» Pour lui, l’avenir tend ainsi plutôt vers une hybridation conjuguant travail à domicile et au bureau.
- Des rapports trop verticaux
La structure hiérarchique des entreprises est en pleine évolution: la forme pyramidale traditionnelle se transforme progressivement en un organigramme plus horizontal. «Le travail est de plus en plus organisé en fonction d’un objectif ou d’une mission, avec des équipes multi-fonctionnelles qui se forment, puis se dissolvent au gré des commandes ou des mandats, indique Dominique Ben Dhaou. Cette façon de procéder rend les pratiques managériales top-down obsolètes. Malheureusement, on constate que beaucoup de managers peinent encore à trouver leur place dans ce nouveau schéma.»
La crise sanitaire a mis en évidence de grandes disparités dans la gestion des effectifs. «Certains managers se sont appuyés sur la surveillance et le contrôle», déplore-t-elle. Or, cette pratique semble inefficace en termes de productivité, comme le montre une étude récente de l’Université de Saint-Gall. «Le management doit être pensé comme un service rendu au personnel pour l’aider à atteindre son potentiel, et non comme une position de force et de supériorité» confirme le professeur Benjamin Mueller.
- Une communication négligée
Le manque de communication est souvent pointé comme un problème récurrent sur le lieu de travail, comme l’a relevé une étude de Great Place to Work publiée en 2019 selon laquelle 52% des sondés se montraient critiques envers leur supérieur. Les managers n’en sont pas entièrement responsables, mais ils peuvent contribuer à stimuler la communication au sein de leur équipe et, plus largement, à l’ensemble de l’espace de travail.
La consultante Dominique Ben Dhaou revient sur l’importance pour les managers d’être à l’écoute des employés. «Il ne s’agit pas que de se donner une image moderne et progressiste, les managers ont la responsabilité de susciter la motivation et la fidélité des employés pour soutenir la productivité et la pérennité.» Or, la communication est indispensable pour y parvenir. «Ces dernières années, il est devenu normal d’organiser des stand-up meetings (ndlr: des réunions professionnelles où les participants se tiennent debout et échangent à propos de leurs activités dans une ambiance conviviale). C’est un moyen parmi d’autres d’utiliser la communication pour motiver le personnel», explique-t-elle.

- Une mauvaise approche de la technologie
L’enjeu de la numérisation des entreprises est double puisqu’il s’agit à la fois de s’assurer que tout le personnel puisse tirer parti du potentiel des outils informatiques, et de garantir que ces derniers ne servent pas à perpétuer ou à renforcer des pratiques dépassées. «Le traitement des données sur le lieu de travail est un sujet épineux qui mérite d’être abordé plus sérieusement, dit Benjamin Mueller. Il est dans l’intérêt des entreprises de mettre en place des programmes de responsabilisation numérique pour mieux saisir les opportunités et les risques que présentent la numérisation croissante de leurs activités».
Une vision partagée par Dominique Ben Dhaou, qui ajoute qu’il reste encore beaucoup à faire pour que la maîtrise des technologies devienne usuelle. «J’ai pu observer des entreprises adoptant les avancées numériques, mais j’ai aussi constaté que ces outils pouvaient susciter la méfiance ou le rejet, tant au niveau des managers que des employés. Néanmoins, les managers ont un rôle de pivots et doivent désormais maîtriser ces outils.»
- Des avantages trop uniformes
Pour attirer et fidéliser les talents, il ne suffit plus d’offrir un bon salaire et des jours de vacances supplémentaires. Il existe actuellement une tendance à la diversification des avantages accordés aux employés en échange de leur travail, avec une offre adaptée en fonction des besoins de l’employé. «Si vous voulez créer un environnement de travail agréable pour les milléniaux en début de carrière, il peut par exemple être intéressant de mettre gratuitement à disposition des produits sains pour le petit-déjeuner et un espace permettant de socialiser entre collègues avant d’attaquer la journée, détaille Benjamin Mueller. Mais cela n’est pertinent que pour ce type de profils en particulier. On voit mal les employés qui ont des enfants ou des parents âgés en tirer parti. En revanche, ces personnes-là seraient plus intéressées par des congés parentaux ou des horaires flexibles. Il faut penser diversité!»
