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La sulfureuse aventure du Viagra

Une molécule, une histoire. Connu pour ses propriétés érectiles, le Viagra a été découvert par hasard. Sa molécule visait à la base le traitement de l’angine de poitrine. C’était sans compter sur ses effets secondaires.

La sérendipité, c’est le terme utilisé par les scientifiques lorsqu’ils·elles trouvent quelque chose qu’ils·elles ne cherchaient pas. Une aubaine que le laboratoire Pfizer n’a pas laissé passer. En 1989, son groupe de recherche de la ville de Sandwich, en Angleterre, travaille sur le sildénafil, une molécule destinée à devenir un nouveau médicament pour lutter contre l’angine de poitrine, et découvre ce qui deviendra le fameux Viagra.

L’enjeu pour ces scienti­fiques était de trouver un médicament dont l’effet per­mettrait de dilater les vais­seaux plus longtemps que la nitroglycérine, administrée depuis 150 ans contre l’angine de poitrine. «Les recherches se concentrent autour de l’enzyme phosphodiestérase-5, qui met fin à l’effet vasodilatateur de la nitroglycérine, explique Thierry Buclin, médecin-chef du Service de pharmacolo­gie clinique du CHUV. Les chercheurs ont donc utilisé le sildénafil pour tenter d’inhiber cette enzyme et prolonger la dilatation des artères afin de mieux irriguer le cœur.»

Au moment des essais cliniques, c’est l’échec. Les patient·e·s ne rapportent pas d’effet sur leur angine de poitrine. En revanche, les hommes témoignent, pour la plupart, d’une superbe érection. «C’est la deuxième chance de cette découverte. Il n’était pas évident que les patients fassent part de cet effet inattendu, dans le contexte des années 1980.»

En 1998, le Viagra est mis sur le marché aux États-Unis. Ce sera un succès commer­cial mondial sans précé­dent, accompagné aussi de nombreuses critiques. «Le Viagra était craint. Des personnes s’imaginaient que la pilule bleue rendrait ses utilisateurs accros au sexe ou vicieux.» Aussi, le médicament fait l’objet d’un marché noir important. En 2020, plus de 87% des médicaments saisis par les douanes suisses étaient des inducteurs d’érection. «C’est un traitement qui s’accompagne parfois d’un effet placebo. Achetés en ligne, les comprimés ne contiennent souvent pas la quantité de substance active annoncée. Mais quand on a payé 80 CHF pour se pro­curer la pilule, on s’imagine que ça doit marcher.»

Actuellement, en Suisse, le Viagra n’est pas remboursé par l’assurance-maladie obligatoire, sauf dans l’indication particulière de l’hypertension pulmonaire. Pourtant, la pilule bleue n’a pas qu’un intérêt récréatif, elle peut s’avérer médicale­ment indiquée dans le cas de certaines maladies ou traitements qui compro­mettent l’érection, par exemple les antidépres­seurs qui provoquent cet effet chez plus de la moitié des patients. «Une autre retombée bienvenue du Viagra a été d’offrir un sur­sis aux rhinocéros d’Afrique, menacés d’extinction et impitoyablement chassés pour la vente de poudre de leur corne, réputée efficace contre la défaillance masculine.»

Citrate de sildénafil: C22H30N6O4S

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Une version de cet article réalisé par Large Network est parue dans In Vivo magazine (no 24).

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