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«Neutriser» et les autres mots de février

Le langage révèle l’époque. Notre chroniqueuse s’interroge ce mois-ci sur l’usage des termes «neutriser», «horoscope» et «champion».

Neutriser

Avec l’arrivée du pronom neutre «iel», va-t-on utiliser de plus en plus le verbe «neutraliser»? Ou faudra-t-il plutôt dire «neutriser»?

Pour l’auteure de l’essai «Neutriser» (éditions Les liens qui libèrent), l’introduction du neutre ne saurait être envisagée comme une forme de neutralisation. La neutralisation est un concept mou qui ne sait pas choisir, qui opte pour l’indifférence et la passivité et qui perpétue le statu quo. Afin de s’en départir, Lina Braunschweig propose le verbe neutriser, «à même de dégager les potentialités libératrices du neutre».

La chercheuse en science politique plaide, de façon convaincante, pour une émancipation par le neutre. Pour elle, le fait de neutriser, c’est suspendre les assignations identitaires et les classifications binaires et hiérarchiques, c’est mettre à mal les distinctions fondamentales qui enferment et musèlent. Une opportunité d’ouvrir le champ des possibles bien au-delà de la question de genre. Bref, neutriser, c’est une nouvelle manière de lire le monde et de le changer.

On va peut-être voir apparaître, dans les manifs, des pancartes avec le slogan «Neutrisons!»

Horoscope

Que de place accordée en janvier aux horoscopes, que ce soit dans les magazines ou sur les plateformes digitales! La pandémie a déclenché une véritable «astro mania» auprès des jeunes. Une très forte majorité des 18-24 ans (près de 70%!) croit désormais aux signes du zodiaque, indique une étude française récente.

En ce qui me concerne, c’est à l’horoscope permanent du pseudo astrologue et chroniqueur de l’Obs, David Caviglioli, que j’accorde ma confiance: «Quel que soit votre signe, ce qui vous arrivera sera le produit d’une somme complexe de déterminants et d’événements relevant du hasard.»

Champion

D’ici quelques jours, cent neuf nouveaux champions olympiques (plus d’éventuels ex aequo) rejoindront l’aristocratie sportive. Quels destins ces médaillés d’or connaîtront-ils? Il n’y a pas si longtemps, les statistiques leur attribuaient une espérance de vie supérieure à la moyenne. Le phénomène s’inverse actuellement. Conséquence du dopage?

La plupart des champions d’hier tombent dans l’oubli peu après leur consécration et s’en accommodent plus ou moins bien. Certains athlètes confrontés à des obstacles financiers mettent leur médaille en vente. D’autres entrent en dépression ou se suicident. Ainsi, Pierre Quinon, champion olympique de saut à la perche, qui s’est défenestré, miroir inversé du saut qui l’avait sacré dieu de l’Olympe. Un parcours raconté subtilement par Renaud Dély dans «Le grand saut» (éditions J.C. Lattès).

Cette face de la médaille a souvent été occultée. Elle préoccupe aujourd’hui le Comité international olympique, qui prévoit de lancer une ligne d’aide destinée aux champions dans le désarroi.