CULTURE

L’objet de mes souvenirs

Thierry Dana a photographié les objets précieusement conservés par les résidants d’une maison de retraite à Versoix. Avec sensibilité, il donne la parole à ces bibelots qui dévoilent une vie.

Une version de cet article réalisé par Large Network est parue dans le magazine photographique tadalafil pro sublingual.

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«Depuis mes 18 ans, j’ai toujours eu ce pinceau à fard avec moi. Ma mère me l’avait acheté à Paris. Je m’en sers plusieurs fois par jour et, à chaque fois, je me sens mieux. Pour moi, il est complet.» À travers ce pinceau (photo n° 7), c’est la vie de Nicole, 94 ans, qui se dessine. Le photographe Thierry Dana est allé à la rencontre des résidants de l’EMS Bon-Séjour, une maison de retraite à Versoix (Genève). Avec patience et douceur, il a photographié les objets indispensables aux yeux de ces personnes âgées.

Ce projet se place dans la continuité d’un travail réalisé par Thierry Dana en collaboration avec l’Hospice général auprès de migrants à Genève, pour photographier ce qu’ils avaient emporté avec eux durant leur exode. Sa propre histoire et celle de ses parents, qui ont émigré de Tunisie quand il était enfant, l’avaient alors inspiré. «J’ai tenté de comprendre mon histoire en écoutant celle des autres.» Il a appliqué la même méthode en se rendant dans une maison de retraite. «Les personnes âgées placées en EMS sont aussi déplacées dans des endroits inconnus. Elles doivent effectuer un tri drastique dans leurs possessions. C’est ce choix qui m’a intéressé : pourquoi emporter tel objet plutôt qu’un autre? Quel objet importe à la fin d’une vie?»

Les portraits d’objets, pris à la manière de photomatons, dévoilent un fragment de vie de ces personnes âgées avec une intimité surprenante. Certains objets peuvent paraître neutres, mais en réalité ils sont intensément chargés d’émotions. «Aucun n’a de valeur marchande, mais tous racontent un récit, une vie, une histoire d’amour ou de perte.»

Le livre photographique L’objet d’une vie (éd. Slatkine, 2021) est le récit de rencontres avec des personnes «à qui l’on ne demande plus de parler d’elles». Thierry Dana a établi un lien de confiance avec elles et dévoile une partie des secrets qu’ils partagent désormais. «J’ai fait des rencontres incroyables. Peut-être par pudeur, certaines personnes ne me parlaient de leur objet qu’après de longues discussions.» Quant au photographe, quel serait son objet fétiche? «On ne peut jamais savoir ce qu’on emportera tant que l’irrémédiable choix ne nous est pas exigé. Mais certains de nos objets s’imposent à nous, ils sont une part de notre histoire personnelle.»

À propos de racines :

«Ces personnes âgées ont emporté leur passé avec elles pour se rappeler leurs racines. Comme un pied de vigne, elles réenracinent leur savoir et leur richesse dans un nouveau foyer, leur EMS, qu’elles s’approprient au travers de leurs souvenirs.»

Thierry Dana, Suisse

Né en 1957 à Tunis, Thierry Dana a d’abord travaillé dans la finance à Genève avant de se tourner vers la photographie qu’il étudie à Barcelone. Engagé dans la culture, il préside la Société de lecture à Genève. Il publie en 2021 L’objet d’une vie, aux éditions Slatkine. Il s’intéresse aujourd’hui à poursuivre le projet dans un troisième volet.

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