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Dre Jocelyne Bloch: «Chaque expérience me confirmait que mon choix était le bon»

La chercheuse et neurochirurgienne Jocelyne Bloch revient sur son parcours. Sa philosophie: travailler en équipe multidisciplinaire est la clé de tout projet ambitieux.

In Vivo: À quel âge avez-vous commencé à envisager de faire des études de médecine? Êtes-vous issue d’une famille de médecins?

Jocelyne Bloch: Non, j’ai peu de médecins dans ma famille. Juste un cousin, mais ce n’est pas lui qui m’a influencée. J’ai choisi cette voie par intérêt personnel. Jeune déjà, j’étais intéressée par l’humain. Je détestais l’idée de la maladie et que des gens puissent mourir, j’étais très sensible à cela, petite. Mais ce n’est pas avant le gymnase que j’ai eu envie de suivre des études de médecine, avec une fascination pour le corps humain. D’ailleurs, si j’avais eu cette idée plus tôt, j’aurais choisi une voie scientifique. J’ai suivi l’orientation littérature et langues modernes au gymnase. Les études de médecine n’étaient pas faciles à cause de ça.

Vous vous êtes ensuite spécialisée en neurochirurgie. Qu’est-ce qui vous fascine là-dedans?

Beaucoup d’étudiant-e-s choisissent leur spécialisation pendant les stages qui suivent les études. Moi, j’avais déjà fait mon choix, dès la 3e année de médecine, lorsque j’ai approché la neurochirurgie pour la première fois. Sans doute parce que le cerveau est l’organe qui nous différencie des autres êtres vivants. Et puis, parce que son fonctionnement comporte une grande part d’inconnu, et qu’il y a encore beaucoup à découvrir! J’ai envisagé une spécialisation en neurologie, ou même en psychiatrie. J’ai fait plusieurs stages en neurochirurgie, à différents endroits, pour être sûre de ma décision. Et chaque expérience me confirmait que mon choix était le bon. Mon premier poste, lorsque j’ai commencé à travailler, était déjà en neurochirurgie.

En tant que femme, avez-vous eu l’impression de devoir faire vos preuves plus qu’un homme pour arriver là où vous en êtes aujourd’hui?

Non, les postes à responsabilité dans le domaine de la neurochirurgie sont difficiles à décrocher pour quiconque. À ce niveau, il est même presque plus facile pour une femme de participer à des projets intéressants, car à force de prôner l’égalité des chances, on en vient à les favoriser. Je suis très sollicitée. Personnellement, je pense qu’il faut laisser la nature faire son œuvre et que les choses évoluent avec le temps. Une personne doit être engagée pour ses compétences et non pour son genre.

Y a-t-il des gens qui vous ont inspirée, qui vous ont donné envie de suivre cette voie?

J’ai découvert et apprécié la neurochirurgie à travers Nicolas de Tribolet, qui était le chef du Service de neurochirurgie du CHUV tout au début de ma carrière. Puis, il y a eu Jean-Guy Villemure, qui m’a formée à la neurochirurgie fonctionnelle. Et dans le domaine de la recherche, j’ai beaucoup appris aux côtés de Patrick Aebischer, dans le laboratoire où j’ai travaillé pendant deux ans. Il m’a ouvert les yeux sur les aspects de recherche translationnelle. Je considère ces personnes comme des mentors, et j’en avais besoin alors parce que j’étais jeune. Plus on prend de l’âge et moins on a de mentors. Mais on a des pairs qui nous influencent. Il est clair que j’ai trouvé cela avec Grégoire Courtine, qui est en quelque sorte mon «mentor égalitaire» actuel!

Aujourd’hui, vous menez plusieurs recherches de pointe avec lui, en parallèle de vos activités quotidiennes. Comment parvenez-vous à organiser votre emploi du temps ?

C’est vrai que je fais beaucoup de choses, mais une transition s’est opérée il y a une dizaine d’années déjà: je me trouve maintenant à la tête de plusieurs projets, je suis donc entourée de beaucoup de gens à qui je peux déléguer des tâches. Mon rôle repose beaucoup sur de la supervision. À mon sens, une ou un bon leader est quelqu’un qui prend les bonnes décisions, qui choisit les orientations adéquates, qui fait en sorte de s’entourer des meilleurs pour réaliser les objectifs. J’ai beaucoup de travail, mais j’arrive presque toujours à garder la tête froide en mettant en place une bonne organisation. Même si mes journées sont souvent intenses, je me trouve chanceuse de travailler dans un domaine qui me passionne et qui est en somme aussi mon loisir. Pendant mon temps libre, cuisiner me détend, ainsi que les soirées entre amis.

Le travail en équipe semble important pour vous. Vous menez, ou avez mené plusieurs recherches avec d’autres chercheurs. Comment se sont faites ces rencontres?

En général, les collaborations se décident par opportunités. Tout est une question d’avoir la même idée au même moment. Je collabore depuis longtemps avec Jean-François Brunet, qui avait mis au point des cellules autologues, prêtes pour la transplantation au moment de notre rencontre. Et puis avec Grégoire Courtine, on s’est rencontrés au moment où il avait déjà bien avancé dans ses recherches sur la motricité des animaux paralysés et qu’il était prêt à passer à l’humain. En arrivant en Suisse, il a commencé à travailler à Zurich. S’il n’était pas venu dans la région lausannoise pour approcher l’EPFL, nous n’aurions sans doute jamais travaillé ensemble!

L’heure n’est donc plus à la recherche en solitaire ?

Je crois que cela dépend de la personnalité de chacun, et de la finalité de la recherche. Certaines chercheuses ou chercheurs travaillent toute leur carrière, avec une petite équipe ou seuls, sur une molécule, et découvrent des choses fascinantes. La neurochirurgie est une discipline qui nécessite de croiser les compétences pour pouvoir avancer.

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Jocelyne Bloch

Née à Genève, Jocelyne Bloch grandit à Vevey, où elle fait sa scolarité avant de rejoindre l’UNIL pour suivre ses études de médecine. Elle obtient son diplôme de médecin en 1994 et sa spécialisation en neurochirurgie en 2002. Suit la naissance de ses enfants, en 2003 et 2005. Une vie de famille toujours menée en parallèle à ses recherches et à son activité clinique.

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Une version de cet article réalisé par Large Network est parue dans In Vivo magazine (no 23).

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