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«Il n’y a pas de stratégie de croissance sans la Chine»

En 2020, les exportations suisses vers la Chine ont augmenté de 10% à près de 15 milliards de francs. Malgré des contraintes réglementaires qui se durcissent, la Chine reste un marché à conquérir pour les PME aux ambitions d’internationalisation.

Une version de cet article réalisé par Large Network est parue dans PME Magazine.

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«Pour faire du business en Chine, il faut accepter les règles du jeu», résume Alexis Steinmann, co-fondateur de l’application Tomplay. L’entreprise a développé une bibliothèque de partitions interactives qui permet au musicien de choisir son tempo, de s’enregistrer ou encore d’annoter la partition. Aujourd’hui, l’application dont le catalogue recense 30’000 morceaux pour plus de 25 instruments compte plus d’un million d’utilisateurs dans 72 pays. Les États-Unis sont actuellement leur marché principal. Pourtant, la société basée à Pully a les yeux tournés vers l’empire du Milieu. «Pour nous, la Chine est le marché le plus intéressant au monde de par sa taille et sa culture, poursuit Alexis Steinmann. Dans cet immense pays, tous les enfants jouent d’un instrument de musique. Mais le challenge quand vous lancez un produit digital en Chine, c’est que des pare-feux ralentissent l’application. Pour contrer ce problème il faut y ouvrir des serveurs et pour cela, il est nécessaire soit de conclure un partenariat avec une société chinoise –ce qui signifie rentrer dans une relation de dépendance–, soit créer sa propre société, ce qui est laborieux.»

Pour percer le marché chinois, les contraintes ne s’arrêtent pas à l’installation de serveurs. «Il faut entièrement revoir le produit pour envisager pouvoir pénétrer le marché chinois. Par exemple, l’inscription à l’application se fait normalement via le login Facebook, mais là-bas, le réseau social est bloqué. Les modes de paiement sont aussi totalement différents. «En Chine, ils ne connaissent pas par exemple Paypal, mais utilisent WeChat Pay ou Alipay», précise encore celui qui a cofondé Tomplay avec son père en 2013.

Comprendre les méthodes chinoises

Malgré les difficultés, un millier d’entreprises suisses sont à l’heure actuelle présentes en Chine. Selon la dernière étude de la Chambre de commerce suisse sur place, les facteurs «manque de clarté/ l’évolution des réglementations et des lois» arrivent en tête de la liste des éléments susceptibles de compromettre les investissements futurs dans ce pays. Les autres problèmes sont l’augmentation continue des «coûts de la main-d’œuvre» (51%) et «l’augmentation des coûts de production, de l’électricité, les terrains, les intrants et les matières premières» (45%).

Depuis deux ans, les priorités de la société Tomplay sont une meilleure compréhension du marché chinois et l’adaptation de son application dans l’espoir d’accéder à cet immense marché intérieur. Ses premiers pas, Alexis Steinmann les a faits en 2019 à travers le programme «Venture leaders China» organisé par Jordi Montserrat. «On ne va pas en Chine comme on va aux États-Unis ou en Europe. C’est pour cela qu’on a mis en place ces roadshow, car à la différence de l’Europe où l’on peut souvent décider de nouer des relations en direct avec des entreprises, en Chine, il est indispensable de trouver les bons réseaux et partenaires pour savoir avec qui travailler, analyse le cofondateur de Venturelab. Développer les relations de confiance pour ensuite rencontrer un investisseur qui fait partie de ces réseaux est donc essentiel.»

Lancé en 2014 en partenariat avec Swissnex China et l’ambassade Suisse, «Venture leaders China» accompagne notamment une dizaine de start-up suisses en Chine chaque année. «Aujourd’hui, si on est une start-up, avec un potentiel et une ambition globale, il n’y a pas de stratégie de croissance qui ne prenne pas la Chine en compte. Cela ne veut pas dire qu’il faut y aller maintenant, mais plutôt qu’il est nécessaire d’avoir une réponse à la question “Quand et comment envisagez-vous votre croissance en Europe, aux États-Unis et en Chine”».

Wiktor Bourée, CEO et co-fondateur de Technis a fait partie du roadshow en 2018. Cette start-up a mis au point différentes technologies de comptage, dont les sols connectés et emploie aujourd’hui 47 personnes. Pour l’instant, elle a fait le choix de ne pas consacrer ses compétences et son énergie à ce marché. «La Chine est très alléchante pour une start-up comme nous avec ses 1,4 milliards d’habitants, ses coûts de production attractifs et sa croissance remarquable. Mais comme la culture est tellement différente et les investissements nécessaires sont énormes, nous préférons d’abord faire nos preuves localement et ensuite en Europe», justifie l’entrepreneur. Il ajoute: «Ce voyage nous a donné l’occasion de rencontrer des sociétés chinoises et étrangères installées là-bas et d’autres acteurs économiques. Nous avons observé qu’ils ont 10 ou 15 ans d’avance d’un point de vue technologique dans certains domaines tels que le recours au paiement sans contact ou les livraisons à domicile. Cette immersion chinoise aura facilité l’ouverture, la collecte d’idées et ensuite un meilleur positionnement en Europe.»

Un avis que partage Nicolas Musy, chef de projet et manager de LX Precision, la seule entreprise Suisse établie en Chine (fondée en 2001 elle produit des pièces pour l’automobile, les télécommunications, l’aérospatiale et le médical). «Même s’il y a d’énormes opportunités en Chine, il y a en même temps une énorme concurrence de la part d’acteurs internationaux comme locaux. Et même si un concurrent chinois a une production très inadéquate en termes de qualité, sa présence tirera les prix vers le bas.» Des propos qui concordent avec la dernière étude de la Chambre de commerce suisse en Chine qui montre que 68% des entreprises suisses implantées en Chine estiment que leurs concurrents les plus féroces sont les entreprises chinoises elles-mêmes.

Pourtant, de par son expérience et son rôle de co-fondateur de la «China Integrated Consultancy» basée à Shanghai et en Suisse, Nicolas Musy, explique collaborer de plus en plus avec des sociétés chinoises, surtout dans le domaine médical. Depuis que la Chine veut relocaliser une grande partie de la production technologique, il lui faut aussi la mécanique de précision.

Présent depuis un peu plus d’une année en Chine, d’abord à travers un site de vente en ligne puis, depuis fin août, avec un magasin à Shanghai, le chocolatier Läderach est un exemple récent d’implantation suisse en Chine. «Les premiers résultats du magasin à Shanghai sont très bons, se félicite Matthias Schneider, responsable de la communication chez Läderach. Les Chinois adorent nos chocolats. Les ventes sont bien au-dessus de nos espérances: nous vendons déjà aujourd’hui environ la même quantité de produits dans le magasin de Shanghai que dans les magasins urbains de taille similaire en Suisse, comme par exemple celui de Zurich.» L’entreprise aux plus de 1300 employés, basés majoritairement en Suisse, mais en pleine expansion, ne s’est pour sa part pas vraiment inquiétée du possible vol de propriété industrielle. «Nous fabriquons tous nos chocolats en Suisse et nos produits nécessitent un grand savoir-faire, il est donc peu probable que nous nous fassions voler le marché», explique Matthias Schneider.

Comme le relève l’étude de la Chambre de commerce suisse citée plus haut, la principale préoccupation de Läderach concerne «les chalenges à surmonter pour importer les produits, que ce soit la négociation avec les autorités chinoises, les retards pris dans le passage de la douane, et les coûts supplémentaires que ces difficultés administratives ajoutent». Mais pour le chocolatier suisse, ces contraintes sont loin d’être un frein à son ambition chinoise. Läderach vient d’ouvrir une deuxième boutique à Shanghai, dans le très exclusif Harrods, ouvert uniquement sur demande.

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La Suisse, pionnière dans ses relations avec la Chine. 

Le 17 janvier 1950, le Président de la Confédération, Max Petitpierre, adresse un télégramme à Mao Tsé-toung. Il y notifie la reconnaissance officielle de la République populaire de Chine. Ainsi la Suisse a été l’un les premiers pays occidentaux à établir des relations diplomatiques avec le régime communiste. Cette décision, pionnière et controversée, s’est justifiée par la défense des intérêts économiques en Chine. Depuis, les relations économiques entre les deux pays n’ont pas cessé de se renforcer.

En 1980, on doit au fabricant d’ascenseurs Schindler le premier partenariat entre une entreprise chinoise et une entreprise étrangère, sous forme de joint-venture. Cette coopération économique s’est accélérée ces dernières années. En 2007, la Suisse a été l’un des premiers pays européens à reconnaitre la Chine comme étant une économie de marché. Cette décision est à l’origine de l’accord de libre-échange qui a été mis en application en 2014. La Suisse est également le premier pays du continent européen à avoir signé un tel accord avec la Chine. Une année plus tard, la Confédération est devenue l’un des premiers membres européens de la Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures. Les exportations vers la Chine atteignent désormais près de 15 milliards de francs (en 2020), à peu près au même niveau que les importations (16 milliards de francs). A titre de comparaison, sur la même période l’Allemagne affichait un déficit bilatéral de 20 milliards d’euros avec la Chine, et la France de 39 milliards d’euros.