LATITUDES

Lausanne à pied et en ascenseur

Et si on découvrait la ville de bas en haut, d’Ouchy à la Cathédrale, tout en limitant nos efforts?

Vue du lac, Lausanne offre un panorama de carte postale grâce à ses 500m de dénivelé mettant en valeur ses beautés. Depuis Ouchy, le métro m2 rejoint la Cathédrale en quelques minutes. Mais le trajet peut se faire de façon agréable à pied, grâce aux montées douces et aux ascenseurs publics, de plus en plus nombreux afin d’encourager la mobilité douce.

Notre balade commence derrière la station du m2 Ouchy-Olympique. Pour contourner les marches du passage du Liseron, on emprunte l’avenue parallèle d’Ouchy. On rejoint la Coulée verte, voie piétonne sublimée au gré des saisons par 22 variétés de magnolias, des ginkgos, des crocus ou encore des narcisses. Elle monte en douceur sur un kilomètre. Promenade de la Ficelle de son vrai nom, elle a été inaugurée en 2008 le long du m2, suivant le tracé de son ancêtre la Ficelle, le funiculaire qui, dès 1877, a relié Ouchy à la gare, puis au port-franc du Flon. «Grâce à l’idée d’enfouir une partie des voies, nous avons pu créer ces 10’000 m2 d’espaces verts», précise Pascal Amphoux, architecte et géographe, qui, avec Christoph Hüsler, architecte paysagiste, a dessiné la Coulée verte et les couvertures des quatre stations sud du m2.

Notre vitesse de croisière invite à la promenadologie, cet art combinant flânerie et observation, défini dans les années 1980 par le sociologue suisse Lucius Burckhardt. La Promenade de la Ficelle s’y prête à merveille: «Ce quartier est très riche en vitraux dans les cages d’escalier, vérandas et bow-windows, qui permettent une magnifique prolongation de la nature chez soi», explique Anna Decoro, guide et trésorière de l’Association lausannoise des guides touristiques.

Plus loin, le 5 étoiles Royal Savoy, ouvert en 1909, déploie sa splendeur Art nouveau. Face à lui, l’élégant hôtel Carlton, de trois ans son aîné, et la terrasse de sa brasserie L’Ardoise. À côté, le Sport’s Café Le Zodiac, tenu par le père du chanteur Bastian Baker, est idéal pour suivre les compétitions sportives sur des grands écrans.

Puis une passerelle, enjambant le métro, mène à la rue Voltaire, nommée ainsi en l’honneur de l’écrivain français, habitué de Lausanne entre 1755 et 1759. À l’angle, au 1 de l’avenue du Grammont, un petit palais vénitien, avec de la brique peinte gravée, interpelle. «Tout comme ses voisins de Voltaire 1 et du Grammont 3, bâtis en 1906 et ornés de vitraux de l’atelier Chiara, il est l’œuvre de Jean-Baptiste Buscaglia. Il avait fait construire Grammont 3, avec des motifs Art nouveau, pour lui-même», détaille Anna Decoro.

Sur l’avenue d’Ouchy, Le Pré-Fleuri, devenu en 2018 le premier restaurant géorgien de Suisse, vaut le détour. On fait un crochet par l’église anglaise, classée à l’inventaire vaudois. Sur l’un des vitraux, un blason commémore les visites en ses murs du futur roi George V (grand-père d’Elizabeth II), venu passer huit mois à Lausanne, en 1882-83, pour apprendre le français.

À la station suivante du m2, deux ascenseurs vous déposent à la terrasse Alfred-Stucky sur le boulevard de Grancy. «La contrainte des ascenseurs, indispensables au vu de l’inclinaison, était qu’ils n’occultent pas la vue. Ils sont donc transparents et posés de chaque côté des voies, créant une fenêtre sur le lac», souligne Pascal Amphoux. La terrasse du Café de Grancy attenant, agrandie suite à la pandémie, habille merveilleusement le lieu. En face, un cèdre de l’Atlas, vieux de 130 ans, semble veiller sur le quartier.

Inauguré en 1890, Grancy est l’unique boulevard de Lausanne. On le doit à Adrien Mercier, frère de Jean-Jacques Mercier-Marcel, fondateur de la Compagnie du chemin de fer Lausanne-Ouchy ayant construit la Ficelle. Profitant de l’arrivée du funiculaire, Adrien souhaite urbaniser cette zone. Il imagine cette artère pour la bourgeoisie et la rue du Simplon, parallèle, pour la petite-bourgeoisie et les artisans du quartier. Témoin du passé faste de Grancy: un château trône aux numéros 11 et 13. Sur le mur qui lui fait face, des anneaux rouillés rappellent qu’on y «parquait» jadis les chevaux.

Malgré les travaux d’agrandissement de la gare, ses ascenseurs et escaliers roulants mènent toujours du Simplon à la place de la Gare. Puis, deux options s’offrent à qui veut éviter de gravir le Petit-Chêne: l’avenue Louis-Ruchonnet avec, à mi-chemin, les ascenseurs du parking de Montbenon qui font le lien, cinq étages plus haut, avec l’esplanade du même nom, ou alors l’avenue de la Gare, avant de bifurquer sur la courte, mais pentue, rue de la Grotte. Au milieu, ses escaliers sont compensés par un ascenseur.

Se dévoile alors le bâtiment Art nouveau (1909) abritant depuis 1990 le Conservatoire de Lausanne (et depuis 2008, la Haute École de Musique). Il accueillait auparavant les Galeries du Commerce, dont le nom figure encore sur la façade. « L’ascenseur d’origine, un Pater noster à mouvement continu, fermé au public, reste exposé, commente Pascal Amphoux. Ces élévateurs de la fin du XIXe n’avaient pas de porte à leurs cabines et ne s’arrêtaient jamais. Il fallait entrer et sortir en marche.» Les escaliers mènent aujourd’hui à la terrasse idyllique du Café Mozart, sur le toit, puis, via une passerelle, à la place St-François. «La belle verrière ovoïde qui illumine les escaliers elliptiques a été réalisée par Chiara sur carton d’Ernest Correvon (1873-1965)», ajoute Anna Decoro.

De la Grotte, on peut aussi emprunter les escaliers mécaniques du passage souterrain de St-François. Puis de nombreux lifts aident à arpenter les deux niveaux de la ville. Certains préfèrent toutefois rester discrets, car privés.

On descend par exemple visiter le Flon par les ascenseurs du métro, de la Passerelle de l’Europe ou du Grand-Chêne, face au Lausanne Palace. On remonte par ceux de la station Vigie ou de la Passerelle Flon-Ville. Un autre vous dépose au pied de la tour Bel-Air. À quelques mètres, un ascenseur panoramique débouche sur la terrasse Jean Monnet, sur le toit de la FNAC. L’abri de l’ascenseur en forme de wagon rappelle que, jusque dans les années 1950, ce bâtiment (1901) était la gare des marchandises et renfermait un monte-charge faisant transiter les wagons du Flon à Bel-Air.

On gagne le Palais de Rumine (1906), à la Riponne, qui abrite les musées cantonaux d’archéologie et histoire, géologie, zoologie et une bibliothèque universitaire. Pour les personnes à mobilité réduite, une plate-forme élévatrice permet d’éviter les marches à l’entrée. Un ascenseur conduit au 5e, où une passerelle, ouverte du mardi au dimanche de 10h à 17h, connecte le Palais à la Cité, à deux pas de la Cathédrale.

Autre trait d’union entre les deux étages de la ville: les escaliers mécaniques des Portes St François relient sans détour la place du même nom à la rue Centrale, en contrebas. Non loin, on prend l’ascenseur de Globus pour sortir au 3e étage (hors restrictions covid), sur la rue de la Mercerie, à quelques mètres (en montée) de la Cathédrale. Au bas de cette rue, à Mercerie 2, se trouve l’une des plus anciennes maisons de Lausanne, datant de 1340.

Depuis la rue Centrale aussi, l’ascenseur de la station Bessières du métro m2 grimpe sur le pont Bessières menant à notre destination. Le saviez-vous? Lors de la construction de la Cathédrale, consacrée en 1275, l’idée de faciliter la déambulation était déjà centrale: «Jusqu’au début du XVIe siècle, un passage sous voûte traversait le massif occidental», rappelle Anna Decoro. Il a été condamné après la construction de l’esplanade à l’ouest et de la route à l’est permettant de contourner l’édifice.

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Une version de cet article réalisé par Large Network est parue dans The Lausanner (no7).