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Mais où est donc passée la vague verte?

Gagner 4 votations sur 5, le Conseil fédéral pourrait pavoiser. Sauf qu’il a perdu la seule qu’il ne fallait pas perdre, tant par la nature de l’objet que par ses répercussions sur les prochaines années, cette loi sur le CO2 soutenue par l’ensemble des principales formations, hormis l’UDC.

On peut toujours trouver des excuses périphériques à cet échec, comme le trop grand nombre d’objets soumis en même temps à la sagacité populaire, qui a pu brouiller le message, et notamment la présence des 2 initiatives anti-pesticides trop extrêmes pour entraîner une adhésion. Mais la raison de ce revers spectaculaire, au moment où la doxa médiatique croyait identifier une irrésistible vague verte, est sans doute ailleurs.

Peut-être bien dans cette piste que donne la politologue Line Rennwald: «Les sondages d’opinion montrent que les préoccupations face au réchauffement sont élevées. Puis lorsque cela se traduit dans des projets de politiques publiques et des propositions concrètes, le soutien tend à diminuer.»

Autrement dit, les récents succès électoraux des Verts seraient dus à une façon commode de se donner bonne conscience dans une atmosphère d’alerte mondiale accompagnée d’une constante culpabilisation, face à un désastre climatique claironné sur tous les tons, matin, midi et soir. Bonne conscience qui semble n’aller pas plus loin que le dépôt d’un bulletin estampillé écologiste dans l’urne.

Si les mesures concrètes semblent au contraire rebuter le citoyen, c’est peut-être parce que les moyens de les imposer ne sont pas les bons. Les politiques croient souvent malin ou du moins efficace, de frapper au portemonnaie, –la fameuse écologie punitive-, avec une morgue qui peut finir par agacer.

C’est en effet sans véritable débat et en brandissant l’étendard sans réplique de l’évidence scientifique, que l’on se voit sommé de ratifier taxes sur taxes. Le reproche fait par le conseiller national Philippe Nantermod aux écologistes au soir de ce sombre dimanche de s’être présentés en «voix de la science» est peut-être moins idiot qu’il peut sembler au premier abord.

Surtout si c’est pour faire payer l’essence et les billets d’avion plus cher, et offrir ainsi sur un plateau aux opposants à la loi, l’argument porteur d’une mobilité réservée aux riches. Rappelons que c’est une taxe sur l’essence et elle seule qui avait déclenché en France l’énorme révolte des gilets jaunes.

Le pire sans doute à cet égard aura été la salve de menaces proférées par l’explorateur Bertrand Piccard: «Ce ne sont pas les taxes sur le CO2 qui coûteront cher, mais la poursuite du gaspillage et de l’inefficience. Tous ceux qui joueront le jeu de la modernité feront des économies directes et recevront de plus une ristourne sur ce que les réfractaires au changement devront payer. Ceux-ci, effectivement, débourseront plus, et voilà pourquoi cette loi leur fait peur.»

Le bon peuple n’est peut-être pas toujours très futé, mais lui expliquer que payer des taxes c’est moderne ou que raquer 12 centimes de plus par litre d’essence c’est faire des économies, ne relève pas non plus de la plus fine pédagogie. Un opposant comme Patrick Eperon, du Centre patronal, pouvait ainsi se gausser d’un texte comportant «126 fois le mot taxe et seulement trois fois le mot innovation».

Ce bon peuple pas toujours très futé a peut-être ainsi flairé une sorte d’arnaque, telle que la résume le philosophe Michel Onfray évoquant ce «capitalisme vert qui ne condamne pas les vols en jet privés, mais les vols commerciaux du vulgum pecus». Pas plus qu’il ne «bannit les cargos qui transportent des containers sur toutes les mers du monde et qui polluent chacun autant que des villes entières, mais les voitures particulières antédiluviennes des plus modestes».

Et c’est ainsi qu’une loi sans doute nécessaire ne passe pas l’épreuve finale, la seule qui compte chez nous: celle de la démocratie directe.