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Un parfum de Biélorussie

Procès des activistes du climat à Fribourg, initiative populaire contre les avions américains: en Suisse aussi on sait se montrer saugrenu.

On n’est, Dieu merci, pas en Biélorussie. L’ubuesque néanmoins semble capable de belles infiltrations, à doses régulières, jusqu’au cœur du si raisonnable pays de la démocratie directe.

Cette fois, puisque décidément nous ne sommes pas à Minsk, la mauvaise farce n’est pas d’ordre étatique, -encore que l’annonce du décès d’un mort enterré depuis longtemps comme vient de le faire le Conseil fédéral avec l’accord cadre européen n’aurait sans doute pas déplu au père Ubu. Non, on veut parler ici d’un pataquès doublement activiste. Avec le procès des défenseurs du climat qui s’est tenu dans le canton de Fribourg, et les deux initiatives populaires que le Groupe pour une Suisse sans armée (GSsA) menace de déposer.

Les «climactivistes» d’abord, 32 personnes, souvent très jeunes, jugés pour avoir bloqué l’accès à un centre commercial fribourgeois lors d’un «Black Friday». Tous répéteront inlassablement avoir vu dans la désobéissance civile le seul choix face à l’inertie des autorités et à la gravité d’une crise estimée par ailleurs imminente.

Si de telles actions représentent effectivement la seule façon qui reste de résoudre la crise climatique, on peut considérer que la cause est définitivement perdue. Le seul effet qu’aura eu, et aura jamais, ce genre de démonstrations, -outre le banal et frivole frisson qu’il peut y avoir à transgresser la loi et à se sentir dans la peau du seul juste au milieu de la Sodome consumériste-, est effectivement celui qui s’est produit: le passage devant un tribunal. Sans évidemment que le bilan carbone de quiconque en soit amélioré d’un seul gramme.

Le tribunal a refusé d’auditionner les experts cités par la défense, comme Jacques Dubochet,  au motif que la problématique climatique était déjà fort bien connue de tous. Difficile de lui donner tort. Seule une épidémie mondiale a réussi à détrôner pour quelques mois la crise climatique du firmament des sujets les plus discutés des hautes sphères de l’Etat jusqu’au café du Commerce (quand il était ouvert). Sans parler du fait que ce n’était pas là la question, puisqu’il s’agissait de soupeser un acte particulier, que certains qualifieront d’anti-démocratique par excellence: l’atteinte à la liberté de commerce.

La farce se corse un peu si l’on sait que la plupart des activistes en faveur du climat s’opposent à la loi sur le CO2 qui, elle, produirait des effets concrets et chiffrés. Au prétexte qu’elle ne va pas assez loin. Les prévenus ont ressassé aussi qu’ils avaient peur pour leur avenir. C’est évidemment un sentiment des plus respectables mais qui ne reste qu’un sentiment. A-t-on jamais vu la peur résoudre la moindre crise?

Passons maintenant aux membres du Groupe pour une Suisse sans armée, appuyés dans cette affaire par le PS et les Verts. On se souvient qu’il y a quelques mois le peuple suisse avait accepté de justesse l’achat de nouveaux avions de combat par la Confédération. Sans que l’on connaisse alors lequel des quatre candidats serait choisi: les F-35 ou F/A-18  américains, le Rafale français ou l’Eurofighter.

Voilà que cette coalition annonce vouloir lancer deux initiatives populaires si c’est l’un des deux avions américains qui est retenu. Une contre chaque modèle. Se transformant magiquement en experts pointus de l’aéronautique, ces militants soutiennent en effet que les engins américains sont à la fois coûteux et dangereux.

On peut pourtant soupçonner que la vraie raison est ailleurs. Que ces antimilitaristes, qui ont perdu une votation imperdable tant les arguments contre l’achat de tout avion étaient nombreux et excellents et ce quelle que soit sa nationalité, en veulent moins à l’armée qu’à cette inusable bête noire d’une certaine gauche, pas la moins idéologue ni la moins sectaire: les Etats-Unis.

Toute démocratie est évidemment imparfaite, et notoirement celle de l’Oncle Sam. Mais à se vautrer dans l’anti-américanisme, on travaille, qu’on le veuille ou non, pour les ennemis de l’Amérique, qui sont rarement des démocraties. La Biélorussie vient d’ailleurs de prouver qu’un État pouvait faire un très mauvais usage de ses avions de combat, même quand ils n’étaient pas américains.