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La leçon vaudoise

Comme pas mal d’autres choses certes, si le canton de Vaud n’existait pas il faudrait l’inventer. On se gausse volontiers de l’accent local qui passe à l’étranger pour la quintessence du parler suisse, d’une lenteur aussi prétendument congénitale, héritée peut-être de l’occupant bernois. N’empêche, en matière de vaccination il a fait fort, le beau canton de Vaud, en avance sur la plupart des autres, notamment s’agissant de l’accès au vaccin pour les jeunes.

Et puis le voici soudain, contre son gré sans doute, dans un rôle de grand révélateur, à l’occasion de deux micro-polémiques, qui renvoient en réalité à des débats autrement plus larges, dépassant même les enjeux nationaux.

On veut parler de la mise à l’écart des glorieux ancêtres du Centre, ex-PDC, Jacques Neirynck et Claude Béglé, tous deux anciens conseillers nationaux. Ainsi que de la lettre très virulente adressée à la présidente du Conseil d’Etat vaudois Nuria Goritte, par une intrépide association intitulée «Défense de la langue française» (DLF), dénonçant l’usage de l’écriture inclusive dans des documents officiels, par exemple dans la communication sur le Covid.

Ce qui est remarquable dans cette très petite affaire Neirynck-Béglé, ce sont les explications données par la présidente de la section cantonale Valérie Dittli, arrivée en 2015 en terres vaudoises, en provenance du canton de Zoug (également la patrie du président du parti suisse Gerhard Pfister): «Tous les âges sont les bienvenus au Centre, mais pour le bien de tous, la direction leur demande de demeurer en retrait. Nous voulons pouvoir créer un parti moderne et dynamique.»

Notons déjà ce concept franchement original, celui de la bienvenue mais à l’écart. Ensuite la vacuité de cette appellation «parti moderne et dynamique». On imagine mal en effet une formation politique qui se revendiquerait archaïque et mollassonne. Cette injonction émane enfin d’un groupe en très petite forme, au niveau suisse comme au niveau cantonal, avec une érosion incessante de son électorat, la perte d’audience et d’influence dans des bastions historiques, comme récemment en Valais.

C’est le premier réflexe de tous les partis à bout de souffle, on le voit par exemple systématiquement en France voisine: changer d’enseigne faute de pouvoir renouveler le menu. Adieu le PDC, vive le Centre. Tant pis pour ce qui en faisait l’originalité, comme la défense des petites entreprises, sujets où l’UDC et les radicaux font désormais tout aussi bien. Tant pis pour la défense de la famille ou l’aspect chrétien, que le parti n’ose même plus mettre en avant. Quand on n’a plus rien à dire, il ne reste qu’à s’autoproclamer «moderne et dynamique».

Venons-en à l’écriture inclusive. L’association Défense de la langue française (DLF) reproche à Nuria Goritte et à l’Etat vaudois l’usage dans ses documents d’une pratique écrite jugée «illisible», «insultante», «aberrante», «abusive»». Qualificatifs confirmés dans une interview donnée à Watson par le président de DLF, au patronyme qui sent bon la défense désespérée devant le monde en marche, Aurèle Challet.

On pourrait en sourire, trouver cela rétrograde, réactionnaire, ou pire encore. N’empêche, certains arguments contre le point médian et autres joyeusetés inclusives paraissent assez solides. Ecoutons Aurèle Challet: «Le but de l’expression écrite est de se faire comprendre par tous. De ce point de vue l’écriture inclusive est une construction artificielle qui ne cause aucune amélioration matérielle dans les combats comme l’inégalité salariale.» Autre argument plutôt recevable: l’écriture inclusive est imposée par certaines administrations et associations sans débat, ni consensus, ressemblant donc plus à un caprice idéologique qu’à une prise en compte d’une réelle évolution de la langue.

Bref, l’écriture inclusive semble à peu près aussi utile à la cause des femmes que le ravalement de façade et le jeunisme à l’avenir du Centre. La preuve par l’insubmersible canton de Vaud.