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«Blob» et les autres mots d’avril

Le langage révèle l’époque. Notre chroniqueuse s’interroge ce mois-ci sur l’usage des termes «blob», «gentilés» et «en mode».

Blob

Des blobs vont quitter leur milieu naturel, les tapis de feuilles et de bois mort, pour embarquer à bord de la Station spatiale européenne qui devrait décoller le 22 avril prochain. Derrière ce mot bizarre se cache un être aussi étrange que son appellation (référence au film d’horreur «The Blob» de Chuck Russell). Le «physarum polycephalum» (son nom scientifique) est un organisme, ni plante, ni animal, ni champignon, composé d‘une seule cellule. Il fascine les chercheurs. Sans bouche, ni cerveau, il mange et fait preuve d’une stupéfiante capacité d’apprentissage. Des spécimens de ces génies sans cerveaux seront mis en culture et feront l’objet d’expériences dans la station.

Encore méconnus, gageons qu’avec le très médiatique astronaute français Thomas Pesquet, commandant de bord de cette mission «Alpha», les blobs gagneront en popularité.

Gentilés

Comment les spationautes qualifient-ils les habitants de la planète bleue? Les hommes, les humains, les terriens, les terrestres, les vivants, les existants ou les holobiontes? Les gentilés sont les noms donnés aux habitants d’un lieu géographique. Ceux de la terre ne sont pas consensuels. Le déclin de l’anthropocentrisme, la reconnaissance d’une intrication entre vivants et l’émergence d’une conscience planétaire engendrent diverses approches. Il s’agit de penser un autre monde avec un nouveau vocable.

En revanche, les gentilés des continents, des pays, des régions, des villes et des villages sont très stables. Aiglons, Aériens Carcoies, Staviacois ou Ursiniens sont satisfaits de leur appartenance cantonale. Contrairement aux Prévôtois qui viennent de préférer celle de jurassienne à bernoise, avec le changement de gentilé que cela implique. Une petite révolution en Suisse.

En mode

Je suis «en mode» visioconférence, sans échec, veille, invincible, plein air, sieste, célibataire ou survie. Cette expression, destinée à l’origine à des programmes d’appareils électroménagers, sert aujourd’hui à décrire l’état dans lequel on se trouve. Elle prolifère dans nos échanges alors que, dès son apparition en 2017, l’Académie française la proscrivait pour son usage fautif.

«En mode» est une métaphore qui nous révèle à nous même. «Elle est une autre manifestation de l’analogie homme-machine qui travaille secrètement notre esprit, et prouve que nous fréquentons davantage les machines que les hommes», relève Julie Neveux, auteure du livre «Je parle comme je suis» (Grasset). De l’analogie à l’assimilation, il y a un pas qui me met «en mode» résistance.