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Le temps des camouflets

Scrutins et votations trahissent une colère contre un personnel politique formaté pour naviguer par beau temps. De là à parler de dictature…

Heureusement qu’il y a l’huile de palme. Sans le oui, et encore d’extrême justesse, à l’accord commercial avec l’Indonésie, les dernières votations populaires auraient tourné au camouflet intégral pour l’establishment politique, Conseil fédéral en tête.

Quitte à passer pour un vilain facho islamophobe, le peuple a curieusement estimé que se dissimuler le visage en public n’était pas compatible avec les valeurs d’une démocratie ouverte.

Quitte à passer pour un indécrottable gauchiste attardé, le même peuple a étrangement considéré que livrer ses données numériques personnelles à des entreprises privées n’était peut-être pas la meilleure ni la plus saine des idées.

Grain de sel amer sur le gâteau de cette débâcle institutionnelle, le 7 mars a aussi vu le peuple genevois porter clairement au deuxième tour le paria d’entre les parias, l’infréquentable Maudet, que ses collègues du Conseil d’Etat et son parti, l’honorable PLR, avaient depuis longtemps rejeté dans les poubelles de l’Histoire.

Ces soufflets successifs adressés au microcosme de la bien-pensance, qu’elle soit de gauche ou de droite, s’inscrivent dans un temps et un contexte qui ne doivent rien au hasard. L’interminable crise sanitaire, et surtout les atteintes aux libertés quotidiennes, certes souvent librement consenties, ont achevé de rendre la classe politique tout à fait odieuse aux yeux d’un nombre de citoyens encore difficile à évaluer.

Il parait que l’on assiste ainsi à une explosion sans précédent des messages haineux à l’encontre de cette classe politique. Du genre: «90% des parlementaires sont des traîtres à la patrie et devraient par conséquent être fusillés», ou «mettre le feu à cette putain de place Fédérale», ou encore «recharger le fusil, viser et tirer». Ce genre de billets doux adressés aux élus, Fedpol en a recensé un bon millier en 2020, contre 300 en temps ordinaire. Bref, il y a du ras le bol dans l’air.

Un parti, on l’a déjà dit ici, ne se prive pas de souffler complaisamment sur les braises de cette colère. L’UDC, bien sûr, avec le pompon pour la conseillère nationale et fifille de, Magdalena Martullo-Blocher, tirant des derniers mois un bilan tout en nuances et suavités: «Le Conseil fédéral a introduit une dictature en suspendant la démocratie.»

Il existe des mots comme ceux-ci –fascisme, racisme, génocide, discrimination, dictature- qu’on gagnerait toujours à n’employer qu’avec parcimonie. En voir partout, c’est n’en voir nulle part, et surtout plus là où le péril se cache vraiment.

Dans le cas précis on peut certes trouver très critiquable la réduction de l’action et de l’imagination politique au suivi aveugle des prescriptions et potions amères délivrées par les académies de médecine et les task-force de tout poil. On peut aussi trouver que nombre d’élus semblent s’habituer bien facilement, sans pouvoir cacher leur vilain plaisir, à décréter ce que doivent être les faits et gestes de leurs administrés.

Pour parler à bon droit de dictature, on est cependant encore très loin du compte. Un œil neutre et extérieur, qui ignorerait tout du tournus politique annuel à la sauce suisse, repérerait sans doute le seul élément qui pourrait accréditer l’idée d’une démocratie en danger. A savoir qu’à l’heure actuelle dans ce pays, un seul et même parti détient les présidences de la Confédération, du Conseil national et du Conseil des Etats, autrement dit de l’exécutif et du législatif.

Et que ce parti s’appelle l’UDC.