- Largeur.com - https://largeur.com -

Pour qui sonne le glas de la raison?

Il faut encore commencer avec Guy Parmelin. Preuve sans doute que la crise dite du coronavirus aura redonné pas mal de relief à cette fonction de président la Confédération pas loin ordinairement d’égaler en majesté celle d’inaugurateur de chrysanthèmes.

Pour le meilleur comme pour le pire. Cette fois c’est le pire: l’idée grandiloquente de Parmelin d’instaurer une minute de silence pour «fêter» le premier mort du Covid en Suisse, a aussitôt fait de saintes émules. Les églises catholiques et protestantes comme frappées par quelque évidence divine, ont décidé, elles, de sonner les cloches.

Et pour quoi le pire? Politiquement, déjà, le geste peut sembler suspect. On pourrait imaginer sans trop de fièvre complotiste, qu’il y ait surtout là une volonté plus ou moins consciente de la part des autorités de dramatiser encore un peu plus la situation. Histoire de mieux justifier les intrusives mesures sanitaires entendant dicter depuis une année le quotidien de citoyens dont on semble attendre qu’ils aient la tête aussi vide que les mains propres.

Ensuite cette minute de silence et ces cloches qu’on sonne pourraient bien démontrer à quel point cette épidémie nous fait perdre nos nerfs. En quoi en effet, serait-il plus dramatique, ou plus digne de respect, de décéder du coronavirus que de toute autre maladie? En termes d’années perdues, cyniquement calculées à l’aune de l’espérance de vie moyenne, on pourrait même dire que mourir du cancer –dont même des enfants sont victimes- ou d’accidents cardio-vasculaires, est plus «injuste» que de succomber au Covid.

Ce qui ne signifie pas qu’il soit pour autant très raisonnable de balayer d’un revers de main tout avis scientifique, et de bâillonner la task force, comme le veut désormais une fraction de l’échiquier politique, et faire comme si le virus n’existait pas.

On conçoit pourtant qu’une réouverture aménagée des restaurants, à certaines heures et sous strict protocole sanitaire, se justifierait davantage que le maintien d’une fermeture absolue décrétée par l’autoritarisme médical. Ne serait-ce qu’en songeant à cette brutalité faite aux travailleurs de plein air contraints depuis des mois prendre leurs repas de midi au bord du chemin ou dans leurs véhicules.

Les derniers débats parlementaires ont en tout cas montrés que ce virus, et les mesures sanitaires qui l’accompagnent, il fallait désormais être pour ou contre. «Pour» si l’on est de gauche, -et tant pis pour les travailleurs, mais ce n’est pas d’hier que le sort des travailleurs n’empêche plus trop la gauche institutionnelle de dormir-, «contre» si l’on est de droite, après avoir pourtant pendant des années milité au nom de l’efficacité libérale pour la suppression du nombre de lits d’hôpitaux, cause principale aujourd’hui de la nécessité de mesures confinatoires.

Et tout cela sans nuance s’il vous plaît. Alors que la droite réclame la réouverture sans condition de tous les restaurants, aussitôt l’élu socialiste Jean-Christophe Schwaab résume-t-il l’affaire par un tweet lui aussi sans réplique: «La droite du Conseil national: “Nous décrétons que la pandémie sera finie le 22 mars et toute mesure de protection désormais inutile.” Les épidémiologistes et autres scientifiques dont c’est le métier: “Euh… pas vraiment, en fait.” Alors, la droite: “Taisez-vous!”»

Ce «Taisez-vous», oubliant que l’énoncé scientifique se fonde non sur la certitude mais le doute, comme on le sait depuis à peu près Descartes, ou, comme le dira plus tard Popper, sur la possibilité de réfutabilité, oui ce «Taisez-vous» péremptoire semble assez en cohérence avec la minute de silence. Il sort des mêmes bouches apeurées.