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C’est par où la sortie?

Les critiques pleuvent sur Alain Berset et le Conseil fédéral, accusés de pessimisme chronique. Avec des arguments qui ne relèvent pas tous de la basse politique.

Ainsi donc le «Berset bashing» prend de l’ampleur. A mesure d’ailleurs, que les chiffres de l’épidémie diminuent. Ou plutôt, comme le dit la novlangue covidienne, soucieuse ne pas donner trop d’optimisme à un peuple facilement déprimé et donc trop enclin à se ruer sur le moindre début de bonne nouvelle, à mesure «que le plateau se stabilise».

On pourrait même dire que la courbe de popularité du ministre de la santé, dans la classe politique du moins, suit à peu près celles des hospitalisations: en chute libre, moins 68 par exemple pour le 9 février et pour tout le pays.

Toujours est-il qu’en renvoyant aux calendes grecques, et plus exactement à début mars, toute possibilité d’assouplissement des restrictions sanitaires, Alain Berset a bien élargi le cercle de ses détracteurs. Lequel se limitait largement jusqu’ici à l’UDC, qui a fait du non-confinement, -depuis l’émergence de l’épidémie-, un cheval de bataille, comme pour remplacer son épouvantail habituel: une immigration évidemment galopante, incontrôlable et criminogène, dont plus personne ne parle.

Mais voilà que les milieux économiques et dans la foulée le Parti radical commencent à ne plus supporter le côté père fouettard obtus d’Alain Berset. L’Union suisse des arts et métiers (USAM) reproche par exemple au Fribourgeois d’avoir «déçu les espoirs des entreprises qui attendent dorénavant une stratégie de sortie de crise», et de prendre des «décisions qui ne se fondent pas sur des faits, mais sur des scénarios, dont ne sont retenus que les plus pessimistes». Le conseiller national radical vaudois Olivier Feller en rajoute une couche: «Le problème, c’est qu’Alain Berset nous dit qu’on ne pourra pas tout rouvrir après le 28 février mais ne précise jamais sur quels critères les décisions seront prises.»

Ce que l’on semble reprocher au ministre de la santé, ce serait donc de nager désormais en pleine idéologie confinatoire, dans une sorte de panique qui lui ferait grossir la moindre menace, agitant le «variant anglais» puis «le naufrage portugais», et de se transformer en montreur de marionnettes qui ont toutes des gueules de croquemitaine. Et ce comme pour minimiser les chiffres en baisse des hospitalisations et du taux d’infection.

Bien sûr, Alain Berset a ses défenseurs, à l’intérieur de son propre camp. C’est ainsi que le PS peut rappeler que les décisions sanitaires sont prises collégialement par un Conseil fédéral au sein duquel la droite est majoritaire et que c’est pour avoir sans doute trop écouté la droite dure l’été dernier que la 2ème vague a été mal anticipée.

N’empêche, il n’y a pas que l’économie, les commerces et les restaurateurs qui soient impactés par ces formes même douces de lockdown que nous connaissons depuis des mois. Les esprits aussi prennent cher, particulièrement dans les tranches d’âge les moins formatées pour cette vie de moine qui semble être devenue l’idéal de la bonne citoyenneté aux yeux du Conseil fédéral.

C’est ainsi que la conseillère d’état vaudoise Celsa Amarelle dépeint une situation très compliquée pour les jeunes: «Ils disent qu’ils étouffent, qu’ils en ont assez: ils ont besoin de se socialiser, d’avoir des espaces de liberté. Jamais la situation n’a été aussi impactante pour eux, leur moral n’est pas bon. Ce n’est pas quelque chose qu’on peut rattraper, comme on le croit avec notre vision d’adulte.»

Derrière la philosophie «peine-à-jouir» d’un Alain Berset se cache peut-être en réalité un phénomène qui a dicté la politique sanitaire dans la plupart des Etats depuis le début de l’épidémie: avoir décrété que l’espérance de vie était désormais la valeur suprême. Maxime Sbaihi, directeur de GénérationLibre, un think tank français fondé en 2013, le dit assez brutalement dans les colonnes du journal Le Temps: «Après la Seconde Guerre mondiale et dans les années qui ont suivi, l’espérance de vie ne dépassait pas 70 ans. Comme, aujourd’hui, on meurt vingt-cinq ans après la retraite […], la notion de longévité a pris le dessus et on assiste à un total basculement de notre rapport au risque.»

Il cite ensuite très opportunément l’indémodable Aristote: «Traiter de manière égale quelque chose d’inégal est la pire des injustices.» Voilà le moment de rappeler ces chiffres qu’Alain Berset ne mentionne jamais et qui sont pourtant ceux de l’OFSP: en Suisse 72% des cas de mortalité dus au Covid se situent dans la classe d’âge des plus de 80 ans, 20% chez les 70-80 ans, 6% chez les 60-69 ans, 1,7% chez les 50-59 ans, et moins de 0,5% chez les moins de 50 ans.

Comme disait ma grand-mère, dont l’expertise en vaut bien une autre: «Il ne fait pas bon devenir vieux.»