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«Glottophobie» et les autres mots de février

Le langage révèle l’époque. Notre chroniqueuse s’interroge ce mois-ci sur l’usage des termes «glottophobie», «coude» et «sidération».

Glottophobie

«What a shock!» pour les Britanniques, en découvrant l’accent américain du petit Archie (fils d’Harry et de Meghan) lors du passage à la nouvelle année. Que de commentaires relatifs à l’inflexion chantante de la voix de Jean Castex ou aux intonations vaudoises de Guy Parmelin! Les accents suscitent délectation, détestation et, plus grave, discrimination. On parle alors de glottophobie, un néologisme que l’on doit au sociolinguiste français Philippe Blanchet qui a forgé ce mot pour désigner les discriminations linguistiques et permettre d’éviter moqueries et exclusions.

En France, une proposition de loi vise à protéger des locuteurs qui constituent des minorités non visibles, mais audibles: les personnes à l’accent bien prononcé. Et en Suisse? Bien que touchés par une forme de glottophobie de la part des Romands qui détestent leur accent, les Genevois n’en souffrent guère. Idem pour les Suisses allemands dont l’accent constitue le fonds de commerce de bien des humoristes. N’empêche qu’il reste indispensable de gommer son accent si l’on souhaite devenir journaliste à la radio ou à la télévision romande. Une discrimination à l’embauche, un exemple de glottophobie?

Coude

Finies les poignées de main musclées qui arrachent le poignet, les molles ou encore les moites qui répugnent! Covid oblige, place aux saluts alternatifs. Dont le toucher du coude qui réserve, lui aussi, des désagréments potentiels.

Le coude est une articulation fréquemment malmenée chez les joueurs de tennis, les golfeurs et les grimpeurs. S’y ajoutent aujourd’hui les victimes de chocs inappropriés en se disant bonjour. La faute, la plupart du temps, à des mâles alpha qui n’anticipent pas la violence de leur geste sur de frêles ossatures. «Que cela peut être douloureux!», témoigne Aude, une victime parmi bien d’autres, qui en a fait les frais sous mes yeux.

Les inclinaisons à la japonaise n’ont-elles pas plus d’allure et moins d’effets indésirables que ces contacts entre coudes qui ne respectent pas la distanciation physique et sont destinés par ailleurs à réceptionner les déjections de nos éternuements? Les éviter ostensiblement relève-t-il de l’impolitesse? Difficile de se prononcer sans code de courtoisie adapté à l’ère de la pandémie.

Sidération

Qu’ils sont nombreux les adjectifs exprimant la réaction suscitée par à un événement hors du commun. On peut être: stupéfait, coi, éberlué, interdit, consterné, chamboulé, anéanti, terrassé, pantois, déconcerté, désarçonné, déstabilisé, abasourdi, effaré, médusé, interloqué… Or, depuis le début de la pandémie, ce large éventail rétrécit au profit de l’usage prédominant de «sidéré». La sidération est dans toutes les bouches.

Pourquoi recourir à ce terme peu utilisé jusque-ici? Ses usagers en connaissent-ils  l’étymologie? Du latin sideratio, de sidus, sideris «astre», une des acceptions de la sidération renvoie à une «action subite de l’influence d’un astre sur la vie, la santé d’une personne». Est-ce fortuit, si cet emprunt au vocabulaire astrologique accompagne l’actuel engouement pour cette discipline?