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Parmelin dans le grand bain

Un vigneron monolingue à la tête de la Confédération durant la redoutable année 2021, est-ce bien raisonnable?

Comme par hasard, il a suffi que Guy Parmelin accède à la présidence de la Confédération pour que le principe même de cette présidence tournante soit remis en question. On ne s’était pourtant pas laissé ronger par les mêmes doutes il y a une année lors de l’élection de Simonetta Sommaruga à la même fonction. Il faut dire que le soupçon de ne pas avoir le niveau est un peu le sparadrap du capitaine Haddock qui colle au front du vigneron de Bursins depuis des années, sans paradoxalement jamais ralentir sa patiente ascension vers les sommets.

C’est pourtant ce moment, l’élection de Parmelin, que choisit par exemple le quotidien «Le Temps» pour estimer qu’en réalité cette présidence de la Confédération qui change chaque année «n’est plus adaptée à la réalité d’aujourd’hui». Et de faire valoir qu’en temps de crise et de Covid à répétition, il serait fondamental «que le chef d’Etat puisse appeler immédiatement ses homologues des pays voisins». Comme si Parmelin ne savait même pas se servir d’un téléphone. On vante, par contraste un peu humiliant, «les relations interpersonnelles» qu’avait pu nouer une Sommaruga, étant à tu et à toi avec les grands de ce monde, comme Angela Merkel ou la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen. «Des liens de confiance ont été tissés. Ils ne serviront plus à rien d’ici à quelques jours». Comme si ce paysan de Parmelin ne connaissait personne en dehors des sociétés vinicoles de la Côte.

Bien que légèrement mieux élu que Sommaruga –188 voix contre 186– Parmelin se voit aussitôt rappeler la longue liste de handicaps avec lesquels il entame sa présidence. D’abord son action pas tout à fait fracassante à la tête du Département fédéral de l’économie, de la formation et de la recherche, comme le soulignent de généreux observateurs: «Il a mis un peu de temps pour comprendre que le DEFR n’était pas uniquement le ministère de l’agriculture». Impossible quand même de ne pas lui concéder quelques bons points: «Nous sommes très satisfaits de la manière dont il travaille avec les partenaires sociaux et les associations économiques», admet par exemple Fabio Regazzi, président de l’Union suisse des arts et métiers (USAM).

Mais bon, dès qu’il s’agit de Parmelin, les lauriers ne sont jamais très épais et les épines pointent rapidement sous les maigres roses. On loue son «bon sens terrien», son «pragmatisme», son accessibilité bonhomme, mais c’est pour aussitôt rappeler son «manque de punch», son absence d’autorité naturelle. Et puis très vite, les comparaisons blessantes avec sa devancière fusent à nouveau. A la polyglotte Sommaruga, à sa facilité naturelle d’élocution, on oppose le phrasé pesant, hésitant et largement monolingue de Parmelin.

Il paraît à ce propos que le Vaudois passe mal en Suisse alémanique. Ne s’exprimer quasiment qu’en français est une chose, mais si c’est pour dire des bêtises, cela en devient une autre, comme son fameux, et sottement insultant, «oreiller de paresse» adressé aux indépendants bénéficiant du soutien de la Confédération face à la crise sanitaire.

Bref, chacun,  avec la meilleure volonté du monde, semble peiner à imaginer cet homme-là dans les habits rutilants de président. Surtout que l’année 2021 s’annonce évidemment à haut risques et que Parmelin, comme le rappelle le patron de l’Union syndicale suisse Pierre-Yves Maillard, devra gérer les «conséquences économiques et sociales de la crise». On peine aussi à imaginer que sur un autre dossier brûlant, celui de l’accord cadre européen, le rustique Vaudois réussisse à défendre efficacement la voie bilatérale contre son propre parti.

Sauf que le peu de crédit que l’on a toujours accordé à Guy Parmelin a toujours fait sa force. Quand on part de si bas dans l’estime générale, il est assez facile ensuite –et c’est globalement ce que Parmelin a toujours accompli dans les diverses fonctions qu’il a occupées– de brillamment réussir dans l’art très vaudois de décevoir en bien.