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Ces ponts qui ont ouvert Lausanne au monde

Depuis le XIXe siècle, trois ambitieuses constructions ont redessiné la ville et la manière de l’explorer. Visite guidée des ponts lausannois et de la vie culturelle qui les entoure.

Faire ses achats au marché de Noël situé devant l’église Saint-François avant de déguster une fondue au restaurant Le Vieux-Lausanne… Ce qui s’apparente aujourd’hui à une balade de santé aurait relevé d’un véritable parcours du combattant jusqu’au milieu du XIX¹ siècle, avant l’apparition du premier des trois ponts qui structurent la ville.

Construite sur trois collines séparées par les vallons des rivières de la Louve et du Flon, Lausanne présentait alors un relief particulièrement escarpé. «La création de ces ouvrages a été rendue nécessaire par le développement de la vie économique de la cité», explique Gilbert Coutaz, ancien archiviste cantonal vaudois. C’est ainsi que l’ingénieur Adrien Pichard (1790-1841) imagine dans les années 1830 un ambitieux plan d’aménagement routier. «Le génie de Pichard a consisté à concevoir un système complet, combinant routes, ponts et tunnels. Son projet urbanistique visait aussi à donner à Lausanne une modernité.»

Son travail a commencé avec l’aménagement du Grand- Pont. Achevé en 1844, il donne un nouvel élan à la ville. «Sa construction n’a pas seulement été une question d’architecture ou de mobilité. Elle est aussi une marque d’ouverture, avec en toile de fond la volonté de faire de Lausanne un centre économique fort.»

De part et d’autre du Grand- Pont, on trouve deux autres ouvrages emblématiques du chef-lieu vaudois. Premièrement, le Lausanne Palace, l’hôtel cinq étoiles inauguré en 1915 (lire p. 23). «Ce bâtiment constitue en quelque sorte l’aboutissement de l’euphorie hôtelière de l’époque, relève Gilbert Coutaz. Il s’inscrit aussi dans l’essor du tourisme médical à Lausanne.» Deuxièmement, la tour Bel-Air, érigée en 1931 par l’architecte Alphonse Laverrière, qui fut le premier gratte-ciel de Suisse.

Des débats à tous les étages

Les deux autres ponts imaginés par Adrien Pichard se concrétiseront un peu plus tardivement en raison de divers obstacles. «Ces projets ont bien sûr suscité de nombreux débats entre forces politiques, entre la Ville et le Canton, mais aussi en raison des coûts impliqués.» La construction du pont Chauderon s’effectue ainsi près de six décennies plus tard. Il marque alors la nouvelle limite occidentale de la ville. Une extension qui s’est poursuivie depuis, et dont on peut observer la progression depuis ce pont. En le quittant, on rejoint le centre-ville en passant par l’esplanade de Montbenon, l’un des lieux incontournables de Lausanne, qui offre un vaste panorama sur le sud de la ville et le lac Léman. Le casino, situé à proximité, abrite par ailleurs une brasserie renommée loin à la ronde.

À l’est de la vallée du Flon, le pont Charles-Bessières porte le nom du philanthrope qui a offert à l’époque 500’000 francs pour sa construction. Il est pour sa part inauguré en 1910. «Il est important de souligner l’apport de l’économie privée dans l’expansion de Lausanne, relève Gilbert Coutaz. Les familles Bessières et Mercier, ou à d’autres égards le chirurgien et grand propriétaire César Roux, ont fait fortune ici. Ils n’ont pas hésité à se montrer généreux.» De nos jours, les abords du pont fourmillent d’échoppes, de restaurants et de bars populaires.

Des ponts animés

Les trois ponts ont pu être maintenus à travers les ans grâce à l’utilisation des technologies de pointe de leur époque. Ils font aujourd’hui le bonheur de nombreux commerces situés à proximité. C’est par exemple le cas de Sébastien Dubugnon, qui exploite la terrasse Les Grandes Roches. Niché sous l’arche ouest du pont Bessières, ce café-restaurant offre durant la belle saison un havre de paix au cœur de la Cité. «Cela a été un pari au départ de transformer cet espace désaffecté en un endroit chaleureux», relève Sébastien Dubugnon. Inspirée par des expériences similaires à Zurich, la terrasse, inaugurée en 2007, devient vite un lieu apprécié tant des habitants du quartier que des touristes. L’an dernier, le café a été victime d’un important incendie. Désireux de poursuivre l’aventure, les exploitants profitent de ce coup dur pour reconfigurer les lieux: de nombreuses plantes parsèment désormais la terrasse, tandis que les particularités architecturales du pont se découvrent en toile de fond.

C’est également en transformant un espace en friche, situé pour sa part sous le Grand-Pont, que Thierry Wegmüller et ses associés ont créé un bar couru toute l’année. Baptisé Les Arches, il a fêté ses dix ans d’existence en septembre dernier. «Aujourd’hui, l’endroit s’affirme comme un baromètre de la vie lausannoise, de jour comme de nuit.»

Festivals et lieux de sortie

Outre les bars, les ponts peuvent également abriter des salles de concert à l’image du Romandie, qui était situé sous le Grand-Pont, depuis 2004. Véritable temple du rock des nuits lausannoises, il a dû fermer ses portes en vue de travaux d’assainissement du pont et cherche une nouvelle adresse.

Les ponts lausannois participent aussi à animer la vie culturelle de la ville. Ainsi, ces trois dernières années, le Festival de la Cité a investi le pont Bessières à l’aide d’une structure inédite: gradin en bois d’un côté, bar de l’autre. Un dispositif complété par une scène placée un peu plus loin. «L’idée était d’offrir la ville en spectacle aux personnes assistant aux concerts, mais aussi de leur permettre de se réapproprier un espace public qui n’est qu’un lieu de passage en temps normal», explique Myriam Kridi, directrice du Festival de la Cité.

Ces architectures colossales servent aussi d’écrin à d’autres activités culturelles. Ainsi, chaque année, à l’occasion du Prix de Lausanne, des photographies géantes sont installées sur le Grand-Pont afin de faire découvrir les jeunes danseurs qui participeront, entre janvier et février, au concours international de ballet. Ou comment le pont se transforme en passerelle entre l’art et le public.

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Grand-Pont – 175 mètres

Le Grand-Pont, construit entre 1839 et 1844 et constitué à l’origine de deux séries superposées d’arches, se caractérise aujourd’hui par les 19 arches du niveau supérieur. «Un passage voûté trouve ses appuis au niveau de la rue Centrale dans un dispositif qui rappelle celui du pont du Gard», précise Cyril Gerbino, responsable des ouvrages d’art au Service des routes et de la mobilité de la Ville de Lausanne.

L’appareillage régulier est réalisé par des moellons de pierre en provenance de Meillerie (France), taillés au marteau. Son tablier, soit la structure porteuse, a été élargi à deux reprises, en 1892 et 1933, de manière à répondre à l’augmentation du trafic et offrir de grands trottoirs aux piétons. «Les garde-corps en fonte actuels ont été dessinés par les architectes Bezencenet & Girardet lors de l’élargissement de 1892. Ils combinent des barreaux inspirés d’un motif gothique et des panneaux décoratifs de style végétal et rythment ainsi la déambulation.» Dès janvier 2022, l’ouvrage sera fermé à la circulation plusieurs mois, le temps d’effectuer des travaux d’assainissement.

Le Grand-Pont s’affirme aussi comme un élément identitaire fort de la ville, par le point de vue qu’il offre au nord sur la Cathédrale et à l’ouest vers le Jura. Il constitue aussi un point d’attraction pour une variété d’offres culturelles ou gastronomiques. L’Opéra de Lausanne ou la Salle Métropole valent assurément le détour pour les concerts qui y sont proposés. Après le spectacle, direction Les Brasseurs pour déguster l’une des nombreuses variétés de bières brassées sur place. Le Café Romand ou La Bavaria comptent parmi les autres adresses réputées de l’endroit. Pour conclure la soirée en dansant, on n’hésitera pas à aller faire un tour sur la piste du D! Club, du Darling ou du White Club.

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Pont Chauderon – 250 mètres

Ce pont a été construit entre 1904 et 1905 selon le système Melan, soit un système comprenant des poutres en acier enrobées de béton. «L’ouvrage se caractérise par ses piles en maçonnerie supportant six travées, ses pylônes monumentaux ainsi que ses luminaires et parapets d’inspiration art nouveau», indique Cyril Gerbino.

Le pont Chauderon est également classé à l’inventaire des biens culturels suisses d’importance nationale et à l’Inventaire cantonal depuis 1974. Au fil des ans, il a régulièrement fait l’objet d’inspections ou d’assainissements. Le dernier grand chantier date de 1990. Dans les environs, on trouve une autre curiosité architecturale: la tour Galfetti, construite entre 1987 et 1993 par l’architecte tessinois Aurelio Galfetti. Les amateurs de culture se rendront à la Collection de l’Art Brut, à la Cinémathèque suisse ou au cinéma indépendant Zinéma. Le quartier propose aussi une grande variété d’adresses pour se restaurer, à l’instar du Canard Pékinois, d’Isshin Sushi ou de la Brasserie de Montbenon. Sans oublier des lieux de sortie animés, tels que La Movida ou Chauderon 18.

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Pont Bessières  – 160 mètres

Le pont Bessières a été bâti entre 1908 et 1910 sous la direction de l’ingénieur en chef Édouard Chavannes. Sa structure est composée de deux arches en maçonnerie (une à chaque extrémité) et d’un arc en acier avec un tablier porté en béton armé. Le pont est orné d’obélisques de 11 mètres de haut de style Louis XVI. «Les garde-corps en fonte d’origine ont été remplacés en 1972 par des garde-corps en aluminium avec une lisse supérieure lumineuse», détaille Cyril Gerbino. Un assainissement lourd, lancé en 2003, a nécessité la démolition et la reconstruction des bordures de rive de l’ouvrage ainsi que le remplacement du garde-corps qu’elles supportaient.

Entre 2004 et 2007, le pont Bessières connaît d’importants travaux. Les deux culées sont percées pour permettre la construction du pont Saint-Martin, situé donc directement sous le pont Bessières. Le pont Saint-Martin supporte les rames de la ligne de métro M2 entre les stations de Riponne-Maurice Béjart et de Bessières, cette dernière étant directement creusée dans la culée est.

Parmi les points d’attraction situés dans les environs, on compte notamment la Cathédrale de Lausanne, un impressionnant ouvrage d’inspiration gothique, ainsi que le Musée historique Lausanne. De bout en bout, le pont mène aussi vers des adresses originales comme le restaurant Couscous, où les clients peuvent trouver des bons pour des merguez gratuites sous le paillasson à l’entrée de l’adresse. En contrebas, le restaurant italien Luigia s’est installé dans l’ancienne salle du cinéma Atlantic et offre un sublime écrin théâtral. Au bout de la route, les bars populaires comme le Happy Days, L’Étoile Blanche ou le Café Saint Pierre forment un vrai triangle de convivialité. Dans la direction opposée, en bout de pont, le visiteur peut se plonger dans la Cité en visitant la Cathédrale et ensuite déguster un fondue au Café de l’Évêché.

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Une version de cet article réalisé par Large Network est parue dans The Lausanner (no6).