- Largeur.com - https://largeur.com -

Adieu l’union sacrée

Tout indique que ce deuxième confinement se met en place dans une atmosphère nettement moins apaisée et solidaire que lors de la première vague.

Disons-le tout net: ce virus ne respecte plus rien ni personne. On ne parle pas des malheureux profils à risques, menacés dans leur intégrité physique voire leur vie, ni des hôpitaux désormais débordés, mais de tout ce pan d’activités innocentes et ordinaires, qui se trouve aussi brutalement et sauvagement impacté.

Voyez la municipalité de Genève: si débordante de bonnes et saines intentions, avec sa campagne «Objectif zéro sexisme dans ma ville», prévu du 9 au 29 novembre, et qui devait comporter pour son troisième volet quatre visuels publics. Un sur la liberté de faire du sport, un autre sur celle de flâner, un troisième sur se déplacer sans être harcelée. Or voilà, crise sanitaire oblige, que le quatrième, sur «le droit de faire la fête en toute sérénité» a été purement et simplement annulé.

Les optimistes pourront toujours rétorquer que sur ce coup là, le sexisme est parfaitement vaincu et l’égalité dûment respectée, puisque les hommes, sans discriminations ni privilèges, peuvent aussi dire adieu à ce droit de «faire la fête en toute sérénité».

Surtout avec la fermeture des établissements publics dans de nombreux cantons dont désormais tous les cantons romands. Un secteur déjà très éprouvé et qui s’est en plus attiré une petite pique du ministre des Finances lors de la discussion des aides d’urgence à l’économie (400 premiers millions à se partager entre la Confédération et les cantons). Pour Ueli Maurer: «Des mesures d’assainissement dans la restauration et l’hôtellerie sont inévitables.»

GastroSuisse a rétorqué par un communiqué furibond: «Quel cynisme de la part du Conseil fédéral que de dire qu’il faut accepter la vague de faillites dans l’hôtellerie-restauration.» L’union sacrée que l’on avait pu constater lors de la première vague n’est ainsi plus qu’un lointain souvenir. Désormais, quand il s’agit de voler au secours de l’économie, la Confédération et les cantons semblent vouloir se refiler l’encombrant mistigri. A l’image du fauteur de troubles susnommé, Ueli Maurer, parlant de Genève: «Ce canton a les moyens de résoudre ses problèmes lui-même.»

L’union, pourtant, ne semblerait pas vraiment un luxe alors que les chiffres montre une accablante réalité, résumée dans une vidéo devenue virale d’un médecin interniste fribourgeois: «la Suisse, l’un des pays les plus développés de l’Europe occidentale, a failli.»

Certes les statistiques paraissent de jour en jour plus compliquées à démêler. Prenons par exemple celles établissant les nouveaux cas de Covid-19 par million d’habitants et par jour. Le 4 novembre ce chiffre en Suisse était de 709 cas. Moins bien que la France (556) mais mieux que le Monténégro (1221). Mais surtout beaucoup moins bien que la Suède (116) un pays qui  n’a jamais confiné et où le masque n’est nul part obligatoire.

Compliqué après ça, de défendre becs et ongles les nouvelles restrictions et les âpretés d’un deuxième confinement, de tonner contre le fédéralisme qui empêche toute décision coordonnée, ou contre cette économie qui se refuse à mourir. Voire même de suggérer, comme le quotidien «Le Temps», qu’en comparaison à l’infantilisation que subissent les citoyens de la France Républicaine et centralisatrice, les conditions qui nous sont faites ne sont finalement «pas invivables».

C’est peut-être vrai après tout: du moment qu’il est possible de se promener sans risquer le harcèlement, de flâner en toute liberté et de s’adonner à de nobles pratiques sportives, qu’importe finalement ce douteux «droit de faire la fête en toute sérénité»? Surtout qu’il reste cette possibilité, trop souvent ignorée et que personne jamais ne pourra nous enlever: faire la fête seul et sans la moindre sérénité.