Georges Schwizgebel préfère le pinceau aux images de synthèse. L’artiste carougeois s’envole cette semaine pour le Québec où il réalisera son prochain court métrage, «L’homme sans ombres», sur feuilles peforées.
C’est au treizième étage d’un immeuble de Carouge, dans un loft avec vue sur le Salève, que Georges Schwizgebel réalise ses courts métrages. «Je fais de la peinture animée, par opposition au dessin animé», précise-t-il d’emblée. En janvier 2002, l’artiste a remporté le Prix suisse du court métrage au Festival de Soleure pour La jeune fille et les nuages, un film de quatre minutes trente. Grâce à ce prix, qui s’accompagne d’une prime de 20 000 francs, l’œuvre est promise à une plus large diffusion. Elle sera notamment projetée au festival d’Hiroshima ce mois-ci et à celui d’Ottawa au début octobre.
Georges Schwizgebel, bientôt 58 ans, prendra lui aussi l’avion pour le Canada prochainement. Son nouveau projet l’emmène, lui et sa famille, à Montréal dès la mi-août. L’Office national du film canadien s’est intéressé à sa nouvelle réalisation, L’homme sans ombre, dont la sortie est prévue pour la fin de l’année 2003. Il s’agit d’un court métrage de neuf minutes librement adapté du roman d’Adelbert von Chamisso, L’étrange histoire de Peter Schlemihl. Le Canada coproduira ce court métrage dans le cadre d’un programme qui vise à rapprocher les artistes francophones, les étudiants et les réalisateurs.
Malgré le peu de débouchés commerciaux pour les courts métrages d’auteur, Georges Schwizgebel en a fait sa carrière. «Il n’y a pas de demande réelle pour mon style de films, qui sont un peu expérimentaux, avoue-t-il sans déception. Si je voulais faire de l’argent, je réaliserais des séries télé!»
S’il a acquis une excellente réputation grâce à la qualité de son travail, il doit cependant se remettre en quête d’argent pour chacun de ses projets. Les subventions des chaînes de télévision, Office fédéral de la culture, Migros, Ville de Genève ou Fond Regio («calculées en fonction de ce que donne la Confédération et la TSR»,) lui permettent de vivre de son art. «Les chaînes qui me sponsorisent me paient davantage que le montant habituel pour un film de même catégorie», dit-il.
Le parcours artistique de George Schwizgebel commence après l’Ecole des arts décoratifs de Genève. Il effectue ce qu’il appelle «du graphisme alimentaire» pendant quelques années. En parallèle, il réalise des films d’animation et s’associe à Claude Luyet et Daniel Suter pour fonder un studio de production et de réalisation, GDS. «Nous nous sommes mis à notre compte en 1970 mais on ne pouvait pas vivre de ça à l’époque. Ce n’est que dix ans plus tard qu’on a pu vivoter de films d’auteurs.»
Pendant les années 80, Schwizgebel tourne de nombreux génériques, dont celui de l’émission Horizons de la TSR. Son coup de pinceau s’affine. «J’aime bien travailler avec de la couleur claire sur fond foncé, comme le cinéma, qui exploite la lumière.» Il utilise tour à tour l’acrylique, le crayon gras, le pastel, et la gouache pour ses personnages et ses décors. Son trait décisif et épais devient sa signature.
Schwizgebel refuse d’utiliser des images de synthèse: «Je trouve ça laid. Et il faut pouvoir amortir le coût d’un matériel haut de gamme.» Il dessine donc son film sur des feuilles perforées, qu’il fixe à un cadre afin que les séquences d’animation se suivent et se superposent parfaitement. Grâce à la peinture, il retravaille le décor pour qu’il soit de la même texture que les personnages. «J’utilise ensuite la caméra comme un appareil photo: les dessins sont photographiés.»
Selon la «légende», la caméra Mitchell qu’il utilise aurait appartenu à Charlie Chaplin. Outre cet appareil daté, la planche de production du studio est constituée d’un savant bricolage: des rails verticaux permettent à la caméra de se déplacer et un moteur à essuie-glaces la fait tourner d’une image à l’autre. Seules exceptions dans la panoplie de cet artiste «manuel»: un iMac et une caméra numérique. Fidèle à son mode de création, Georges Schwizgebel n’envisage aucune dépense pour moderniser son matériel: «Je préfère le papier à la machine.»
——–
Une version de cet article de Largeur.com a été publiée le 11 août 2002 dans l’hebdomadaire Dimanche.ch.
Retrouvez Largeur.com chaque semaine dans la page Néoculture de
![]()
