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«Les défis alimentaires actuels offrent au modèle agricole suisse une opportunité unique de se réinventer»

Lancée au début de l’année, la Swiss Food & Nutrition Valley dirigée par l’ancien conseiller national Fathi Derder vise à faire de la Suisse un centre de référence de la recherche et de l’innovation dans le domaine de l’agro-alimentaire.

Une version de cet article réalisé par Large Network est parue dans PME Magazine.

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Annoncée au Forum économique mondial de Davos en janvier 2020, la «Swiss Food & Nutrition Valley» entend devenir le nouveau pôle international des technologies agro-alimentaires. Lorsqu’il était conseiller national (PLR/VD), Fathi Derder défendait déjà les intérêts des start-up actives dans la recherche et l’innovation. Aujourd’hui directeur de ce nouveau réseau, l’ancien journaliste en livre les ambitions.

Le projet est né d’un constat: l’agro-alimentaire représente un des domaines économiques les plus dynamiques du pays, et un des plus grands défis sanitaires et écologiques mondiaux. Les quatre membres fondateurs que sont Nestlé, l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), l’Ecole hôtelière de Lausanne (EHL) et le canton de Vaud ont décidé de s’associer pour développer cet écosystème et attirer des talents étrangers, particulièrement en provenance d’Asie ou d’Amérique du Nord.

Plus globalement, le défi mondial actuel consiste à nourrir les neuf milliards d’habitants sans détruire les ressources de la planète. Le secteur agro-alimentaire émet près de 30% des gaz à effet de serre mondiaux, alors qu’une importante partie de la planète est sous-alimentée,  ou mal nourrie. Aujourd’hui, la technologie et de nouveaux modes de consommation peuvent nous amener à une consommation plus durable, plus saine et toujours savoureuse. Les défis alimentaires actuels offrent au modèle agricole suisse une opportunité unique de se réinventer.

Le canton de Vaud bénéficie d’une tradition gastronomique et agricole de qualité, d’une densité importante d’entreprises et d’institutions scientifiques de niveau mondial, ainsi que des start-up dans les domaines de l’alimentation, de la nutrition ou de la robotique. Mais bien qu’il soit basé en Suisse romande, ce projet représente un défi pour toute la Suisse. Nous sommes actuellement en train d’intégrer des acteurs clés du secteur, comme le réseau Cluster Food & Nutrition basé à Fribourg, le Swiss Food Research de Zürich, ou des entreprises comme Firmenich, Givaudan et à terme tous les acteurs clés du secteur, comme l’ETHZ ou Bühler (groupe suisse actif dans l’industrie mécanique pour le secteur agroalimentaire et céréalier). La concurrence européenne est forte notamment avec le pôle de Wageningen aux Pays-Bas, mais selon moi, l’idéal serait que l’Europe dans son ensemble devienne leader mondial de la foodtech, avec la Suisse en son cœur.

Tous les acteurs sont forcément en concurrence puisqu’ils travaillent dans le même secteur. Néanmoins si une start-up se développe pour devenir leader de son domaine, et répondre aux défis de la foodtech en Suisse, tant mieux. Et si elle est intégrée à de grands groupes suisses, ce n’est pas un problème du tout, au contraire, c’est une chance.

Absolument! L’économie suisse s’étend déjà de façon internationale et de nombreux acteurs sont déjà leaders dans leur domaine. Le projet a également reçu le soutien du conseiller fédéral Guy Parmelin, qui parraine notre association, ainsi que du Département fédéral des affaires étrangères et de Présence Suisse. Nous avions prévu d’entamer une tournée mondiale de congrès, qui a malheureusement été annulée en raison de la crise sanitaire. En attendant, nous organisons des webinaires, avec Singapour ou le Japon par exemple, pour développer notre image à l’étranger.

Il faut aujourd’hui convaincre l’agriculteur qu’il travaille dans le même secteur qu’un physicien spécialiste du recyclage, qu’un informaticien expert de la traçabilité ou encore qu’un fabricant de drones. Nous voulons augmenter les collaborations entre les acteurs du secteur par la création d’un réseau commun, mais aussi favoriser l’accès aux marchés internationaux aux PME. Nous avons également un rôle d’information auprès des autorités politiques afin de les sensibiliser aux enjeux du secteur. Tous les acteurs, des géants de l’industrie agro-alimentaire aux agriculteurs, doivent entamer une reconversion de leur pratique, mais cela nécessite une vision d’ensemble, une politique commune, et un soutien par exemple aux agriculteurs pour adopter les nouvelles technologies comme les drones ou l’intelligence artificielle. Cela implique une prise de conscience collective de nos atouts, et des moyens de les renforcer et ce, à tous les niveaux, du producteur au consommateur. La Suisse peut, et doit, devenir la Silicon Valley du domaine alimentaire!