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Les OGM, ces mal-aimés

Une version de cet article réalisé par Large Network est parue dans PME Magazine.

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La politique des OGM en Suisse se trouve à un tournant: le moratoire interdisant la culture d’organismes génétiquement modifiés, hormis à des fins de recherche, prendra fin en 2021. Prolongé plusieurs fois, cette interdiction pourrait cette fois-ci se retrouver bouleversée par un nouvel outil: CRISPR-Cas9. La technologie développée au début des années 2010 permet de modifier le génome d’un organisme de manière précise et ciblée, sans que la plante finale contienne de l’ADN d’autres espèces. Au point d’imiter presque la nature, comme l’explique Etienne Bucher, responsable du groupe de recherche Amélioration des grandes cultures et ressources génétiques à l’Agroscope de Changins: «Il est impossible de distinguer une mutation spontanée, qui a eu lieu naturellement, d’une mutation créée par CRISPR-Cas9.»

Le Conseil fédéral a décidé en novembre 2018 que l’outil CRISPR-Cas9 devait être considéré comme une technique de modification génétique et que le droit actuel en la matière s’y applique. Cependant, il n’exclut pas des adaptations du droit pour prendre en compte les évolutions futures en matière de technologie génétique. Selon Etienne Bucher, le potentiel est important: grâce à CRISPR-Cas9, il serait possible, par exemple, de réduire l’utilisation de toute sorte de pesticides en augmentant la résistance des plantes aux pathogènes, pour augmenter la biodiversité ou rendre ces dernières plus tolérantes vis-à-vis du réchauffement climatique. «Si l’UE et la Suisse restent dans leur position actuelle, cela constitue un frein majeur à la technologie et pourrait retarder considérablement les efforts vers une production alimentaire plus durable.»

Mais que considère-t-on exactement comme OGM? Il s’agit d’un organisme dans lequel un gène d’un autre organisme a été introduit (on parle de «cisgène» si le gène vient de la même espèce et de «transgène» s’il vient d’une autre espèce). Le plus souvent, le but est d’augmenter la résistance d’une plante – par exemple du soja ou du maïs – aux herbicides. Ces nouvelles plantes et céréales permettraient de lutter contre la malnutrition et la faim, comme l’a notamment affirmé le chercheur en biologie britannique Richard Roberts, prix Nobel de médecine en 1993.

Dans les années 1990 par exemple, une équipe de chercheurs de l’École polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ) a créé un type de riz plus riche en vitamine A (appelé «riz doré»), grâce à la modification de sa structure génétique. L’objectif: lutter contre les carences dans certains pays asiatiques. Mais les OGM ont un problème d’image: depuis des années, des associations comme Greenpeace militent contre ces organismes en raison de leurs éventuels effets nocifs sur la santé. En Europe et en Suisse, des études régulières montrent que l’opinion publique se montre largement méfiante vis-à-vis des OGM (ce qui n’est pas le cas dans d’autres pays comme les États-Unis). En effet, le «riz doré» n’est, pour l’instant, pas commercialisé à grande échelle.