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Saleté de démocratie

La nouvelle loi sur le CO2 a été sortie de l’impasse par les Chambres, face au camping d’Extinction Rebellion. A la fin, c’est la taxe qui gagne.

L’occupation de la Place fédérale par des activistes du climat aura au moins excité la verve des nombreux humoristes que compte ce beau et hilarant pays. C’est le conseiller national Philippe Nantermod qui avait d’abord ouvert les feux, en qualifiant la manifestation de «crade, moche et antidémocratique».

Mais après l’expulsion des rebelles par la police et l’apparition de quelques détritus peu ragoûtants qui en ont énervé plus d’un, c’est sans doute l’écrivain Quentin Mouron qui aura eu le dernier mot: «Mes amis de droite auraient pu soutenir la Révolution d’Octobre si seulement Lénine avait donné un coup de balai avant de quitter le Palais d’Hiver.»

Que l’action des grévistes du climat soit crade et moche, c’est sans doute une affaire de goût, tout le monde n’ayant pas une âme et des indignations de Putzfrau. Qu’elle soit en revanche antidémocratique, cela est difficilement contestable. Car dans le même temps, de l’autre côté de la Place fédérale, les parlementaires du Conseil national et du Conseil des Etats, les élus du peuple donc, mettaient la dernière main à la nouvelle loi sur le CO2. Avec des objectifs et des décisions évidemment plus modestes que celles réclamées par des activistes qui ne représentent, eux, c’est un fait, qu’eux-mêmes.

Tellement modeste qu’elle serait, cette nouvelle loi, selon le conseiller national PDC Stefan Müller-Altermatt, «ce qui est politiquement, économiquement et socialement faisable aujourd’hui». Autant dire pas grand-chose, ricaneront les sceptiques. La nouvelle mouture est pourtant soutenue par tous les partis, sauf l’UDC qui lancera, air connu, un référendum. Elle devrait permettre, selon ses soutiens, l’atteinte de l’objectif de neutralité carbone d’ici à 2050. Les activistes, eux, visaient 2030.

Il n’est cependant pas tout à fait pas farfelu de penser que les différentes actions des jeunes grévistes du climat ont joué leur rôle, pesant sur des débats parlementaires qui étaient enlisés depuis trois ans. Avant qu’un accord soit trouvé, alors même que les sauvageons d’Extinction Rebellion campaient bruyamment sous les fenêtres du Palais fédéral. Ce qui fait dire au fondateur du Parti vert libéral Martin Baümle «que cette loi est aussi un peu leur enfant». Peut-être donc pas si anti-démocratiques que ça, les jeunes indignés.

Surtout si l’on met dans l’autre panier de la balance le poids que peut faire peser sur n’importe quel débat parlementaire, une nébuleuse pas non plus très démocratique, et que le philosophe Michel Onfray appellerait «l’Etat profond». A savoir des administrations puissantes, de groupes d’intérêts divers très motivés, des multinationales tentaculaires, des lobbyistes de tout poil, ou encore un système financier sans visage, prêts à ne faire qu’une bouchée de politiciens certes élus mais pas forcément armés pour résister à toutes les influences.

Reste que si que cette nouvelle loi sur le CO2 aura des effets bénéfiques sur le réchauffement climatique, c’est d’abord parce que les taxes – sur les billets d’avion, sur le mazout, l’essence, le diesel, les véhicules importés, etc – vont pleuvoir.

En toute démocratie.