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«Métavers» et «mignon», les mots de septembre

Le langage révèle l’époque. Notre chroniqueuse s’interroge ce mois-ci sur l’usage des termes «métavers» et «mignon».

Métavers

Après cet été sans festivals, sans concerts, sans expositions ni vie sociale, les adeptes de jeux vidéo en ligne ne sont pas frustrés. Leur accès à des métavers est venu combler ce vide.

De l’anglais «metaverse», contraction de «meta universe», le métavers est un monde virtuel, ainsi nommé en 1992 par Neal Stephenson dans son roman, «Le samouraï virtuel» («Snow Crash» en anglais). Depuis, l’imaginaire de science-fiction de l’auteur américain s’est «concrétisé». Grâce au développement de la technologie de réalité virtuelle, les géants du jeu vidéo et des réseaux sociaux sont en mesure de proposer des «univers bis» pixélisés. Des offres qui happent de plus en plus d’internautes en mal de distraction.

Ainsi, le 23 avril dernier, ils étaient plus de 12 millions sur Fortnite à assister au concert «Astronomical» du rappeur Travis Scott. Pendant le confinement, les métavers sont devenus de nouveaux espaces de socialisation. Fini le temps où l’on venait sur les jeux exclusivement pour jouer. On y vient désormais aussi pour pallier aux carences du présentiel.

Dans le années 2000, Second Life a connu son heure de gloire. Le soufflé est retombé. Le succès des métavers survivra-t-il au-delà de la pandémie?

Mignon

L’expression de ravissement «trop mignon!» constitue un autre exutoire au quotidien morose. Sur le Web, les vidéos de chats mignons sont championnes toutes catégories. Elles dépasseraient le porno!

Avec la parution de «Trop mignon! Mythologies du cute», un mignon petit bouquin avec cinq chatons sur son bandeau, cette fascination est devenue sujet d’analyse. Pour son auteur, l’historien d’art québécois Vincent Lavoie, mignon est «une qualification esthétique qui renvoie à des êtres vivants ou des objets qui procurent une forme de plaisir par la délicatesse de leurs formes, de leurs attitudes et de leurs gestes». Ouvrir les yeux, c’est constater que nous vivons l’âge du triomphe du mignon, du «cute» en anglais, du «kawaï» en japonais.

Le mignon active des zones du cerveau qui produisent une satisfaction très rapide et de l’empathie, l’émotion phare de notre époque. Pour Vincent Lavoie, ceci est en parfaite adéquation avec «l’ère du capitalisme de l’affect qui est la nôtre», ce qui explique son succès.

La lecture de cet essai opère une forme de déniaisement. Ainsi, ce qui est mignon procure certes du plaisir, «mais un plaisir intéressé, peut-être même coupable, distinct de celui, désintéressé, que le beau est réputé produire», met en garde l’historien. Il cite notamment les archives photographiques de nazis caressant des chats ou les vidéos de groupes djihadistes avec des chatons mignons en agents de recrutement.