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Vive la canicule masquée

Autant bien profiter de son été. Savourer la belle saison, déguster sans parcimonie les joies du farniente, même derrière un masque et sous la canicule, l’esprit au moins délicieusement vide.

Car, oyez, du lourd, du très lourd, pour ne pas dire de l’indigeste, se profile à l’horizon automnal. Fini de rire et de batifoler dès le 27 septembre. Des votations en rafale se profilent lors desquelles chacun sera sommé de choisir son camp, au risque de passer, à choix, pour un épouvantable salaud ou un rêveur irresponsable, pour un fasciste pure bière ou un membre de la 5e colonne rouge-rose-verte-violette.

Ainsi donc il faudra trancher. Pour ou contre le loup, pour ou contre de nouveaux avions de combat, pour ou contre le congé paternité, pour ou contre une limitation de l’immigration. La voilà la vraie canicule, tant ces sujets peuvent s’avérer brûlants, tant cela risque de chauffer fort sous les crânes partisans.

Brûlants et surtout très clivants. Au point que l’on peut déjà dessiner la carte d’une Suisse ardemment divisée. Ceux qui n’aiment pas le loup n’ont en général guère de sympathie non plus pour les étrangers, volontiers dépeints en prédateurs itinérants, mais raffolent en revanche des joujoux volants de l’armée, tout en préférant les pères au boulot plutôt qu’occupés doctement à changer des couches.

Face à eux, tout aussi déterminés, la horde des xénophiles, concomitamment loupophiles et qui s’avèrent de surcroît, sans qu’il soit possible d’établir un vrai lien de cause à effet là non plus, antimilitaristes batailleurs et âpres féministes. Notons au passage que c’est ainsi -féministes- que risquent d’être catalogués les partisans du congé paternité, comme s’il s’agissait d’un cadeau fait aux femmes plus qu’aux hommes. Surtout par ceux qui aiment les avions de combat mais pas le loup ni les étrangers et ne goûtent que modérément les joies du foyer et du maternage. Paternage en tout cas, n’est pas encore dans le dictionnaire.

Oui, savourons le bonheur de n’avoir pas encore à élucider ces harassantes questions. Il y a en effet du nœud gordien à tous les tournants. L’immigration de masse, par exemple, fait-elle vraiment «peser un fardeau énorme» sur l’environnement, le marché de l’emploi, les assurances sociales et les infrastructures? A contrario, vouloir limiter cette immigration revient-il vraiment à mettre en péril «nos relations stables avec notre principal partenaire, l’Union européenne»?

Puis, la nouvelle loi sur la chasse offre-t-elle réellement «une solution pragmatique» pour contrôler l’augmentation de la population de loups, ou au contraire compromet-elle la protection des espèces en Suisse?

Quant au congé paternité de deux semaines, n’entraînera-t-il vraiment, promis juré, «aucune charge financière et organisationnelle démesurée» tout en déchargeant la mère de certaines tâches, ou faut-il n’y voir qu’une «nouvelle assurance sociale chère, irresponsable et abusive» pouvant provoquer une baisse générale des salaires «pour financer les vacances payées de quelques-uns»?

Enfin, sans rire, faut-il croire que des nouveaux avions militaires soient «un gage de sécurité à long terme» et qu’ils «renforceront la neutralité»? Ou cela ne reviendrait-il pas plutôt à gaspiller, sans pleurer, «6 milliards de francs dans des avions de luxe inutiles»?

Notons sur le front du virus, pour conclure, que la crise sanitaire et le confinement auraient affecté «la santé mentale de 4 adolescents sur 10», c’est l’OMS qui le dit. En cause, leur peur de tomber malade, le fait d’être coupés de leurs amis et de l’environnement scolaire, mais surtout «la perspective d’un futur incertain». On hésitera pourtant à les plaindre: eux au moins, n’ont pas le droit donc ni le devoir, de vote.