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«Tsahal», non propre

Au nombre des signes qui prolifèrent aujourd’hui dans le champ médiatique, et par conséquent dans l’inconscient collectif international, il en est un particulièrement révélateur: celui qui consiste à nommer l’armée d’Israël «Tsahal».

Les six lettres composant ce terme proviennent des expressions «TSva» («armée»), «Hagana» («de défense») et «LéYisraël» («d’Israël»). Cette circonstance appelle deux remarques.

La première, c’est que le mot «Tsahal» s’est progressivement déployé: alors qu’il assigne par définition une vocation de protection aux forces militaires israéliennes, il s’est fortifié pour spécifier celles-ci dans l’accomplissement de tâches allant jusqu’à l’occupation de territoires extérieurs, voire jusqu’à la conquête de ceux-ci.

Cette évolution n’est pourtant pas la plus remarquable. Ce qui frappe essentiellement, c’est que «Tsahal» s’entend aujourd’hui comme un nom propre. C’est alarmant. Pourquoi? Parce que cette appellation transforme les forces israéliennes en exception dans l’esprit commun, et les investit d’un statut particulier.

L’armée de l’Etat hébreu s’extrait, par son appellation même, de l’ordre militaire ordinaire. Au lieu de suggérer sa mise au service des volontés civiles et politiques ambiantes, elle s’érige dans l’espace israélien comme une personnalité.

Nimbé d’un rayonnement quasi fétiche, en proportion de l’angoisse perceptible au Proche-Orient, le mot «Tsahal» confère aux forces du pays un impact tout à fait singulier dans l’opinion publique locale autant qu’internationale. On perçoit celles-ci moins comme un pouvoir émané du peuple, et redevable envers lui, que comme une instance abritée dans ses codes et sa souveraineté.

L’armée d’Israël paraît largement autonome aux yeux de tous, indépendante des sujétions démocratiques usuelles, et finalement fascinante à la manière d’un commando lancé dans la jungle.

Que nous en soyons tous arrivés là, je veux dire à ce stade de machinalisation lexicale, révèle à quel point notre intelligence cherche à s’autolimiter dans le débat proche-oriental. Alors qu’il faudrait s’attacher à distinguer clairement tout ce qui peut l’être, elle persiste allègrement dans l’imbroglio mental faisant que l’antisionisme égale l’antisémitisme, et qu’une manifestation de palestinophilie passe pour un amour du terrorisme. Salades! Déblayons! Autrement dit l’armée d’Israël ne s’appelle pas «Tsahal», point à la ligne.