KAPITAL

La montagne sans déchets

Depuis presque 20 ans, Summit Foundation (basée à Vevey) aborde les questions de propreté dans la nature et imagine des solutions ludiques pour inciter la population à recycler.

C’est un job d’étudiant qui a tout déclenché. À la fin des années 1990, pour financer ses cours à l’école de marketing Polycom à Lausanne, Laurent Thurnheer travaille tous les week-ends à la montagne dans le secteur de l’événementiel. Il observe alors pour la première fois les déchets qui surgissent avec la fonte des neiges. «J’ai été choqué de voir tous ces emballages. J’avais toujours cru que la Suisse était un pays très propre. D’autant plus que les déchets venaient de personnes qui se considéraient comme respectueuses de la nature.» Il estime alors primordial de communiquer sur le problème de ces détritus et de déclencher une prise de conscience – un geste pionnier à une époque où les questions environnementales ne faisaient pas encore partie des priorités dans la société.

En 2001, l’entrepreneur, qui a alors 28 ans, fonde Summit Foundation. Il choisit la structure de la fondation car «l’environnement ne doit pas être une histoire de profits». Sa première idée: transformer une boîte à bonbons en une poubelle portable pour de petits déchets comme les emballages et les mégots. La boîte – l’Ecobox – est fabriquée en fer blanc recyclé dans un atelier de l’association Afiro à Vevey. À son démarrage, Summit Foundation a pu bénéficier d’un accompagnement de GENILEM pendant trois ans. «À l’époque, les projets à but non-lucratif n’avaient que très peu l’occasion d’être soutenus. Mais j’ai eu la chance de tomber sur un conseiller qui croyait en ma fondation.»

GENILEM a accompagné la mise sur le marché de l’Ecobox. «Ils m’ont aidé à rédiger des fiches produits et à démarcher des revendeurs. Grâce à GENILEM, la fondation s’est rapidement professionnalisée.» Parmi les autres avantages de ce soutien, il met également en avant les nombreuses rencontres, les « stamm », avec d’autres entrepreneurs réalisés dans le cadre de l’association, ce qui lui a offert un premier réseau. «Le fait d’être soutenu par GENILEM a aussi apporté une certaine crédibilité à Summit Foundation, ce qui a facilité la recherche de partenaires.»

Aujourd’hui, Summit Foundation compte quatre salariés fixes et l’appui de 250 bénévoles par année. La fondation génère un chiffre d’affaires d’environ 500’000 francs qui se compose à 65% des ventes de produits et de services. Le reste vient de financements ponctuels pour des projets précis ainsi que du mécénat. Le premier partenaire a été la marque américaine spécialisée dans les sports de glisse Quicksilver en 2002.

Sensibiliser par la bande dessinée
Les produits et services proposés par la fondation se sont largement diversifiés depuis ses débuts. Plus de trois millions d’Ecobox ont été vendues à ce jour, essentiellement sur le marché suisse. De nombreuses entreprises et organismes publics ont sorti des éditions à leur nom, à l’instar des CFF ou de la ville d’Yverdon-les-Bains. En 2006, la fondation a également conçu une borne de tri verticale. «Elle permet de trier sept types de déchets de manière ludique. Dans les festivals comme le Montreux Jazz ou dans les communes qui ont installés ces bornes – par exemple Morges ou Aigle –, on a pu constater une qualité de tri de 93%.»

Depuis 2008, Summit Foundation propose aussi des ateliers et des activités pour les entreprises, en organisant par exemple des journées de ramassage de déchets à la montagne comme activité de teambuilding. Des centaines d’entreprises suisses ont ainsi bénéficié des services de la fondation. L’initiative qui a eu le plus grand impact a été la conception de bulles contenant des messages de sensibilisation en 2012. Représentées dans un style de bande-dessinée, ces bulles s’adressent aux skieurs sur un ton à la fois décalé et informatif pour les inciter à garder les pistes propres. Un exemple:  «Pufff ! Un mégot peut polluer jusqu’à 500 litres d’eau!». Les panneaux illustrés sont visibles dans plus de 70 stations de ski en Suisse, 15 campagnes différentes ayant été réalisées. Selon Laurent Thurnheer, un skieur sur deux en Suisse les voit pendant une saison.

Quel a été l’impact de presque 20 ans de sensibilisation de la part de Summit Foundation? «Je me souviens qu’au début, on nous a pris pour des extraterrestres. L’environnement ne faisait pas encore partie des préoccupations de la population.» Depuis quelques années, une vraie prise de conscience s’est révélée – ainsi, Laurent Thurnheer constate que beaucoup moins de déchets sont jetés volontairement en montagne. Les campagnes de sensibilisation ont également beaucoup évolué. «Au début, nos messages étaient plus directifs, davantage tournés vers les gestes à éviter. Aujourd’hui, nous les combinons plutôt avec des informations utiles et surprenantes, comme celles sur les mégots.»

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Une version de cet article réalisé par LargeNetwork est parue dans le cadre des 25 ans de Genilem sur le site: https://25ans.genilem.ch/.