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Quand l’urgence redevient …urgente

La parenthèse «pandémie» pas encore tout à fait refermée, déjà la question du climat s’apprête à reprendre toute la place dans les esprits. Tant pis pour les allergiques à la couleur verte.

Ce n’est déjà plus qu’un argument de basse politique. Dans le monde d’après, tant fantasmé, et qui est pourtant bien là, cette pandémie qui a secoué le monde tout un début d’année, ne sert plus qu’à réchauffer les vieilles soupes, chacun touillant naturellement dans le sens qui l’arrange. Qui l’a toujours arrangé.

Ainsi, lors du nouvel examen de la fameuse loi sur le CO2 par le Conseil national, les climato-sceptiques de l’UDC ont fait valoir qu’après avoir déboursé 57 milliards pour alléger les charges d’une économie mise en péril par le confinement, il était plutôt contradictoire de vouloir, sous prétexte de voler au secours du climat, arriver avec de nouvelles taxes et impôts. A quoi les écologistes ont vertement rétorqué que si pendant la crise on avait pris soin essentiellement des aînés,  il était peut-être temps maintenant de songer aux jeunes. C’est le peuple probablement qui tranchera dans les urnes ce retour au grand jour de la fiscalité verte.

En attendant, les parlementaires on fait assaut de modération, cherchant une voie navigable entre les imprécations vertes et les dénégations populistes. Il semblerait que le premier effet de la crise sanitaire soit d’avoir rendu la Suisse encore plus adepte des petits pas et de la négociation à outrance. Le virus est peut-être en train de disparaître, l’art du compromis à la sauce fédérale reste une épidémie semblant ne jamais vouloir tarir sous nos paisibles et humbles latitudes.

D’ailleurs elle a été adoptée vite fait cette loi sur le CO2 avec une kyrielle d’amendements et la seule opposition de l’UDC. Le pourtant socialiste et rapporteur de la commission pour l’environnement Roger Nordmann a même jugé que c’était là «un projet libéral, décentralisé, qui permet à la population d’adapter son comportement». Plus de doute le Covid-19 fortifie la concordance. L’UDC seule contre tous, tu parles d’un monde d’après.

Un monde donc où il est probable que l’on payera son carburant et son combustible un peu plus cher, les Verts ayant souhaité que ce soit beaucoup plus cher. Bref le compromis dans toute sa beauté, cette loi s’avérant un exercice d’équilibriste faisant la part des choses entre les visions écologistes de droite et de gauche.

On aurait pu penser pourtant que l’aviation mise à mal par la pandémie aurait droit à un sursis. Que nenni! Une majorité s’est dessinée pour entériner une taxe sur les billets d’avion de 30 à 120 francs, selon les trajets. Avec un argument qui sent bon le monde nouveau et qui entend marquer une distance désormais infranchissable entre l’avant et l’après: «On ne peut plus prendre l’avion comme on prend l’autobus. Sur les distances courtes, il faut désormais favoriser le train», s’est ainsi exclamé Roger Nordmann.

Bien sûr, si cette loi a été adoptée alors qu’elle avait été refusée par l’ancienne représentation parlementaire, c’est sans doute aussi parce que désormais, il y a de quoi faire un compromis, ou plutôt avec qui. Grande bénéficiaire des dernières élections la galaxie verte peut désormais gonfler ses muscles devenus gros.

Les ronchons habituels pourront trouver qu’en guise de monde d’après, c’est le monde d’avant qui se remet gentiment en place. L’urgence climatique qui écrasait tout, occupait tous les débats et tous les esprits, revient par la grande porte, cette urgence qui faisait descendre, on l’avait déjà presque oublié, la jeunesse du monde dans la rue. Et la fera redescendre, pour plus longtemps sans doute que n’importe quel combat étroitement communautaire.