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Trouver des opportunités dans la crise

En Suisse, la crise a provoqué l’arrêt de nombreuses entreprises. Mais de cette période mouvementée émergent aussi des occasions de diversification ou de rachats d’activités.

Une version de cet article réalisé par LargeNetwork est parue dans PME Magazine.

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Plus de 30% des PME suisses ont subi une perte de chiffre d’affaires de plus de 75% au mois de mars selon une enquête menée par la plateforme de services pour PME Gryps. L’épidémie de Covid-19 a remis en cause le fonctionnement de nombreuses entreprises. Aussi bien des sociétés actives dans l’exportation que des petits commerces.

Dans l’obligation de se réinventer, certaines entreprises réexaminent aujourd’hui leurs activités en vue de les diversifier. «Il ne faut pas attendre passivement la réouverture des commerces, souligne Olivier Nimis, directeur de Remicom, une PME spécialisée dans la remise et la transmission de fonds de commerce. La période représente un bon moment pour faire le point sur son entreprise: comprendre quelles sont ses charges et lesquelles peuvent être économisées, faire de l’ordre dans l’administratif, créer des fichiers clients, développer sa présence sur internet, etc.» Pour l’entrepreneur: «Il est surtout primordial de garder contact avec ses clients!».

Repenser les commerces dans l’urgence

Les domaines du tourisme, du commerce de détail et de la restauration sont particulièrement touchés. «Quand on regarde les bilans et le chiffre d’affaire des commerces de détail, on constate qu’ils peinent déjà en période normale, poursuit Olivier Nimis. L’agence recense plus de 2’500 offres en ligne de reprise de commerces, publiées par son réseau de 20 agences présentes dans toute la Suisse. Rien que dans la restauration à Genève, environ 700 établissements changent de main par année. De nombreux commerçants et entrepreneurs n’arriveront pas à se relever de cette période catastrophique.»

La crise contraint les PME à trouver des solutions de secours. «Les commerces doivent innover s’ils veulent survivre à la crise économique qui suivra celle sanitaire actuelle, soutient Sergio Rossi, professeur de macro-économie et d’économie monétaire à l’Université de Fribourg. Ils peuvent s’associer en fonction de leur domaine d’activité ou de leur zone géographique pour, par exemple, créer des plateformes de vente en ligne communes afin de diminuer leurs coûts de digitalisation.» Alors que les boutiques physiques ont fermé, de nombreux commerces réalisent justement la plus-value apportée par un comptoir en ligne et développent en urgence ces nouveaux services (voir encadré).

Les restaurants The Hamburger Foundation trouvent des solutions de secours pour continuer leur activité. Ils ont fermé leurs food trucks, les cuisines étant trop étroites pour assurer la protection sanitaire des employés, mais ont néanmoins gardé deux de leurs restaurants actifs pour assurer un service de vente à emporter.

L’entreprise qui a intégré le groupe M3 en début d’année a également ouvert un restaurant en pop-up dans un des établissements du groupe immobilier. Cette enseigne éphémère leur permet ainsi de continuer la vente par le biais de la livraison à domicile. «L’objectif est de garder un maximum d’activité économique pour maintenir les emplois et soutenir l’économie locale sans laquelle nous aurons des difficultés à redémarrer correctement après la crise», ajoute Marc Gouzer, co-directeur de The Hamburger Foundation.

De nouvelles opportunités

«La période entraînera des opportunités pour ceux qui souhaitent se mettre à leur compte, acquérir une entreprise ou reprendre un commerce», explique Olivier Nimis, CEO de Remicom. Une enquête menée par le registre des données créancières suisses Crif sur les derniers mois recense de nombreuses faillites, avec plus de 700 radiations dans le commerce de détail, 700 également dans le secteur de la construction et plus de 550 dans la restauration.

La chaîne de pizzerias allemande Vapiano, présente en Suisse à Zurich, Bâle, Berne, Fribourg Lausanne et Genève, a par exemple déclaré officiellement sa faillite au début du mois d’avril. «Ceux qui arriveront à passer le cap de la crise grâce à leurs liquidités pourront également racheter leurs concurrents à des prix défiants le marché.» L’entrepreneur révèle recevoir de nombreuses demandes de restaurants genevois et de chaines de restauration rapide qui cherchent à s’agrandir dans de nouveaux locaux rendus disponibles.

Pour Marc Gouzer, co-directeur de The Hamburger Foundation: «Il y aura sûrement d’intéressantes opportunités après la crise, mais ce n’est pas encore le moment d’y penser. La première étape consiste à survivre à cette crise sanitaire et économique. Ensuite, si nos moyens le permettent, nous continuerons notre objectif d’expansion en ouvrant de nouveaux restaurants, en adaptant notre concept aux nouveaux modes de consommation post-Covid-19.»

Le coronavirus a également modifié les habitudes de travail des individus. Le confinement implique de nouvelle façon de vivre et de nouveaux besoins. Devenues plus flexibles, les entreprises adoptent le télétravail et les nouveaux outils digitaux ainsi que les horaires diminués engendrés par le chômage partiel. Le télétravail s’imposait déjà comme une tendance en forte augmentation.

En 2001, seule 6% de la population suisse active travaillait à distance alors qu’ils étaient près de 24% en 2018 selon l’Office fédéral de la statistique (OFS). Face aux restrictions sanitaires, le travail à distance a encore augmenté. Ainsi, l’entreprise informatique Infomaniak a diversifié son activité en proposant une solution de vidéo-conférence gratuite et sécurisée dénommée «Meet», basée sur un logiciel open-source. «Nous trouvions important de proposer une alternative suisse aux logiciels américains, explique Boris Siegenthaler, CEO d’Infomaniak. Le logiciel est gratuit et protège la confidentialité des entreprises tout en diminuant notre dépendance aux GAFAM.» Depuis le début du confinement, l’entreprise informatique Infomaniak a enregistré un chiffre d’affaires supplémentaire de 10%.

L’entreprise genevoise de 130 collaborateurs avait prévu de développer ce produit de vidéo-conférence en 2021 mais la crise sanitaire a accéléré le processus. En moins d’une semaine, les équipes d’Infomaniak ont mis en place le logiciel. Aujourd’hui, l’entreprise dénombre plus de 10’000 vidéo-conférences par jour, un chiffre en augmentation constante depuis sa mise en service publique début avril. Pour le directeur, «les entreprises ont été contraintes de se familiariser avec le télétravail. Nous souhaitons ainsi qu’elles adoptent dès maintenant des outils suisses.»

Pour une productivité optimale, l’Organisation internationale du travail (OIT) et Eurofound (Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail) estiment que les employées devraient travailler 2 à 3 jours par semaine en télétravail selon leur rapport publié en 2017. «Le télétravail va perdurer après la crise, affirme le professeur Sergio Rossi. Cette méthode à distance facilite la conciliation de la vie privée et professionnelle, limite les déplacements, les frais de garde d’enfants, voire augmente la productivité des employés pour les entreprises.»

La crise apporte donc de nouvelles opportunités de développement mais l’entreprise Infomaniak reste cependant inquiète pour la suite. «Les renouvellements de contrats représentent 90% de notre chiffre d’affaires, détaille Boris Siegenthaler, CEO. Nous craignons à moyen terme que nos clients résilient ou ne renouvellent pas leurs engagements, particulièrement les PME qui subissent la crise de plein fouet.» Pour le professeur Sergio Rossi: «Cette crise représente aussi une opportunité de repenser nos modes de vie et notre économie en général, notamment par rapport aux délocalisations, complète-t-il. Pour éviter une crise économique majeure, l’Etat doit montrer l’exemple et investir directement dans les entreprises et non par le biais de prêts bancaires qui seront trop difficiles à rembourser pour de nombreuses PME.»